A rebours de Joris-Karl Huysmans est un roman qui fêtait ses cent ans l’année où je naissais. Coïncidence ? Je ne pense pas. Je viens de le lire pour la première fois le mois dernier, et il m’a pour le moins subjugué. Cela faisait longtemps qu’il traînait dans ma PAL, et j’ai profité d’un long trajet pour enfin m’y atteler. Je l’ai lu en deux jours, autant dire que je l’ai dévoré.
En résumé : Ce roman n’est pas vraiment narratif, il est donc assez difficile à résumer. Au mieux, on pourrait donner une ambiance générale. Son héros, Jean des Esseintes, est un intellectuel décadent de la fin du dix-neuvième siècle, atteint comme beaucoup de ses semblables à la même époque du « mal du siècle », du spleen… Après une vie agitée pendant laquelle il a fait l’expérience de tout ce que pouvait lui offrir la société de son temps, le jeune homme se retire dans une vaste demeure décorée avec une excentricité baroque, dans laquelle il réunit les ouvrages les plus précieux à ses yeux, les objets les plus rares, et se consacre à l’oisiveté et à l’étude. L’essentiel des chapitres du roman sont donc une description de ce qui remplit sa maison, notamment les rayonnages de sa bibliothèque qui sont autant de prétextes à l’éloge des auteurs qu’il admire le plus (notamment les symbolistes, les romantiques et les romanciers du fantastique).
Mon avis : Amateurs de grandes aventures et de péripéties, passez votre chemin… Si l’idée d’un voyage en Angleterre effleure le temps d’un chapitre l’esprit du héros, ce projet n’est finalement pas mis à exécution et prive le roman du seul épisode narratif qu’il aurait pu contenir. Par contre, si vous le lisez comme un long poème en prose, comme une divagation symboliste et décadente, alors vous saisirez l’essence d’une fin de siècle. Ce n’est certainement pas pour rien que certains poètes du vingtième siècle ont considéré A rebours comme un modèle, notamment Oscar Wilde qui s’en est inspiré pour écrire Le portrait de Dorian Gray, et surtout Serge Gainsbourg (notre poète préféré sur Culture déconfiture) qui pouvait en réciter des passages entiers !
Ce roman m’a semblé éveiller tous mes sens en le lisant, tant les descriptions des décors, des parfums et textures est minutieuse et poétique. Sans pour autant n’être porté par aucune intrigue, ce roman m’a, en quelques sortes, fait voyager dans un autre univers, ou plutôt dans une autre époque. Je pense sans aucun doute que ce roman est l’un de ceux que je relirai dans ma vie (et peut-être plus d’une fois), comme on relit de beaux poèmes ou que l’on réécoute de beaux opéras.
Et vous, avez-vous déjà lu A rebours de Huysmans ? Que pensez-vous de ces œuvres qui ne racontent rien et qui pourtant nous parlent tant ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.