Dans Adishatz qu’il joue ce week-end à Toulouse au Théâtre Garonne, Jonathan Capdevielle retrace une jeunesse d’inspiration autobiographique. Le spectacle ne ressemble pas à ce que l’on a déjà vu, ni dans le propos, ni dans la forme. Clairement, la pièce a partagé les spectateurs et est très loin d’avoir fait l’unanimité !
La première partie, par exemple, est un tour de chant interminable et pathétique, medley a capella des refrains des tubes de Madonna (mais le nombre de tubes de la star étant incalculable, le medley s’étire à l’infini)… Peu à peu, les rires nerveux se font entendre dans certaines parties de la salle. Pourtant, on est en train d’assister de manière implicite aux confessions d’un adolescent mal dans sa peau qui, à travers la musique pop et la culture gay, cherche à exprimer ses espoirs et échapper à la violence à laquelle il est confronté : homophobie, moqueries et insultes, harcèlements de la part d’un entourage qui n’a pas conscience des conséquences de ses actes. Point d’orgue de ce tour de chant, toujours a capella, la reprise dans son intégralité de La Corrida de Cabrel (et ave l’accent tarbais s’il-vous-plaît). Quelle résonnance en entendant les paroles de cette mise à mort :
Je les entends rire comme je râle,
Je les vois danser comme je succombe,
Je pensais pas qu’on puisse autant
S’amuser autour d’une tombe.
… alors même que des spectateurs dans la salle riaient de la situation. Personnellement, j’ai éprouvé un gros sentiment de malaise à ce moment-là. « Est-ce que ce monde est sérieux ? » réitère le comédien. Quel écho ! Ont-ils conscience du cauchemar que vivent de nombreux jeunes dans la même détresse ?
La suite du spectacle est tout aussi puissante. Personnellement, j’ai eu la chair de poule et les larmes aux yeux tout au long de cette pièce ! Les dialogues téléphoniques avec son père cheminot, l’absence de sa mère, les relations complexes avec sa sœur puis avec sa meilleure amie, les virées dans des boîtes de province minables… Au détour de situations ordinaires, Capdvielle fait le tableau d’une vie de province (dans les Pyrénées, en l’occurrence) où trouver sa place peut ne pas être aisé quand on est différent.
Bref, Adishatz/Adieu est un spectacle étonnamment puissant et bouleversant, à ne voir que si vous êtes prêts à être déstabilisés et qui, certainement, ne plaira pas à tout le monde ! Sur ce, je vous laisse, je vais réécouter quelques tubes de Madonna !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.