Albertine disparue, parfois édité sous le titre de La Fugitive, est le sixième tome d’A la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Ce roman est la suite immédiate de La prisonnière et de Sodome et Gomorrhe, d’ailleurs les trois tomes devaient initialement faire partie d’un seul et même livre, ce qui se comprend parfaitement puisque les 3 œuvres racontent 3 étapes d’une seule et même histoire d’amour : celle du narrateur et d’Albertine Simonet.
Si Sodome et Gomorrhe racontait la naissance de cet amour et La Prisonnière la complexité de cette relation (entâchée par les mensonges et la jalousie), Albertine disparue en narre la fin et les différentes étapes du deuil amoureux, jusqu’à l’oubli.
C’est, des 3 tomes, celui qui m’a probablement le plus ému. Tout commence un matin par une annonce de Françoise, la gouvernante du narrateur : “Mademoiselle Albertine est partie !” Une annonce qui tombe comme un coup de tonnerre et déclenche une longue méditation sur la séparation, la douleur du manque, l’impossibilité de penser l’avenir.
Stylistiquement, j’ai trouvé ce roman sublime. Par ses nombreuses répétitions, j’ai trouvé l’écriture très musicale, avec un leitmotiv qui m’a beaucoup fait penser à mon poème préféré : The Raven d’Edgar Poe. Le roman se lit comme un long poème en prose mélancolique. Le narrateur ressasse, revit les heures passées, réinvente son histoire d’amour, mesure sa souffrance avec délectation… Proust est vraiment un fin analyste pour retrouver précisément à quels instants son amour s’en est allé, petit à petit, étape par étape.
A fur et à mesure sur son amour disparaît, la vie parisienne et mondaine reprend peu à peu sa place et son importance dans la vie du narrateur. Après un épisode à Venise, la dernière partie du roman fait revenir au cœur de l’intrigue un personnage que l’on avait un peu oublié depuis plusieurs tomes : Gilberte Swann, l’amour d’enfance de Marcel. Sa description en “autruche humaine” est savoureuse…
Gilberte appartenait, ou du moins appartint, pendant ces années-là, à la variété la plus répandue des autruches humaines, celles qui cachent leur tête dans l’espoir, non de ne pas être vues, ce qu’elles croient peu vraisemblable, mais de ne pas voir qu’on les voit, ce qui leur paraît déjà beaucoup et leur permet de s’en remettre à la chance pour le reste. Comme l’éloignement rend les choses plus petites, plus incertaines, moins dangereuses, Gilberte préférait ne pas être près des personnes au moment où celles-ci faisaient la découverte qu’elle était née Swann.
Albertine disparue, Marcel Proust (Edition Quarto Gallimard, p. 2046)
Il ne reste plus qu’un seul tome à lire pour arriver au terme de cette Recherche du temps perdu : Le Temps retrouvé ! Et vous, quelle partie de La Recherche préférez-vous ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.