Ce dimanche, j’ai eu le privilège d’être invité par le théâtre du Capitole à voir l’opéra Ariane à Naxos de Richard Strauss, dans une époustouflante mise en scène de Michel Fau. Je ne connaissais pas du tout cette oeuvre, mais j’avais déjà vu quelques opéras de Strauss au Capitole : Elektra en mars 2004 et Le Chevalier à la rose en mai 2008, dans deux mises en scène de Nicolas Joël. Mais rien de comparable avec la fantaisie et l’extravagance de cette Ariane haute en couleurs !
L’opéra n’est pas bien long car il ne comporte qu’un seul acte précédé d’un prologue, dont voici l’intrigue en quelques mots.
Le prologue :
Pour une réception organisée par un riche bourgeois, plusieurs divertissements ont été préparés. Outre un grand feu d’artifice qui doit clôturer la soirée, deux spectacles sont prévus : une comédie légère de commedia dell’arte et un opéra tragique inspiré du mythe d’Ariane. Or, le compositeur est fâché de savoir que son oeuvre tragique sera suivie d’une comédie bouffonne qui ne correspond pas au ton qu’il veut donner à la soirée. Finalement, le maître de maison fait ordonner que les deux oeuvres ne soient pas jouées successivement mais simultanément !
L’opéra :
Lorsque le rideau se lève enfin, on découvre une pauvre Ariane abandonnée sur une île déserte par son amant Thésée, qui se lamente en attendant la mort. Des personnages italiens (grimés en crapaud, zèbre et chat) viennent alors la réconforter en lui chantant les plaisirs et la légèreté de l’amour alors que paradent un Arlequin en mouche et une Zerbinette en poule. Rien n’y fait, Ariane est inconsolable. Le dieu Bacchus arrive alors sur l’île de Naxos, au chant des Parques, déesses du destin. Un quiproquo s’installe alors : Bacchus confond Ariane avec la sorcière Circé, qui change ses amants en pourceaux, alors que cette dernière croit qu’il s’agit du dieu de la Mort qui vient répondre à ses prières. Sans que le quiproquo ne soit totalement dissipé, les deux amants partent ensemble dans un grand élan d’amour passionné.
L’oeuvre est certes brève, mais son intrigue n’en est pas moins complexe ! Cet opéra semble faire la synthèse de toute l’histoire du genre, en passant par tous les registres. Le travail sur la mise en scène n’en est que plus remarquable. Le décor du prologue est une véritable mise en abyme, superposant la scène véritable (ornée de chardons lorrains et de la devise “Qui s’y frotte s’y pique“) et les dessous où les comédiens se préparent à entrer en scène. Michel Fau semble lever un voile sur la genèse même de l’opéra, révélant derrière le drame de la tragédie celui de la création. La mezzo-soprano Anaïk Morel, travestie en compositeur, joue parfaitement les tourments de l’artiste qui doit compromettre son projet sublime pour satisfaire les desiderata de son commanditaire.
En 2h30, les décors se succèdent à une vitesse fulgurante, représentant tantôt une caverne béante, les lumières d’un cabaret, une forêt, des rivages… C’est ce que j’aime le plus dans ce type de spectacle : le metteur en scène (Michel Fau) et le scènographe (David Belugou) n’ont pas lésiné sur les moyens pour nous faire voyager, sublimant les artistes dans des costumes d’une rare somptuosité.
Quand on voit un spectacle d’une telle qualité, on n’a plus qu’une envie : y retourner très vite ! D’ailleurs, si vous voulez voir ce superbe spectacle, trois représentations sont encore prévues cette semaine : mardi 5 mars et vendredi 8 mars à 20h, et une dernière dimanche 10 mars à 15h. Mais pour avoir sa place, mieux vaut ne pas perdre une seule minute, car sur les représentations précédentes, le théâtre affichait complet !
crédit photo : Cosimo Mirco Magliocca
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Super article !
Merci Sabrina 🙂