Ce mois-ci, j’ai relu un roman culte de SF de Philip K. Dick, publié initialement sous l’énigmatique titre Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? mais plus connu sous le nom de Blade Runner depuis que Ridley Scott en a fait l’un des meilleurs films de tous les temps. L’excellente BD Carbone et Silicium, parue en 2020, m’a donné envie de relire ce roman qui aborde des questions similaires.
Même si vous pensez déjà connaître Blade Runner, je suis obligé de vous faire un petit résumé parce que l’intrigue du roman est sensiblement différente de celle du film.
En résumé
En 1992, la Terre qui a été dévastée par une guerre nucléaire n’est plus habitée que par les rares humains qui ont choisi de ne pas émigrer sur Mars. La majorité des espèces animales ont disparu et il est très rare de posséder des animaux véritables. La plupart des gens ont des animaux électriques pour leur tenir compagnie et pallier leur solitude. Posséder un animal biologique est considéré à la fois comme un signe de richesse, mais aussi un signe d’empathie.
L’humanité est divisée entre les normaux et les spéciaux (c’est-à-dire des humains dégénérés, amoindris intellectuellement par la radioactivité terrestre). Mais il y a aussi des androïdes, c’est-à-dire des machines d’apparence humaine créées pour être au service des hommes. Lorsqu’un androïde se rebelle ou souhaite s’émanciper, on fait appel à des policiers spéciaux, les blade runners, qui doivent les pourchasser, les attraper et les réformer (c’est-à-dire les éliminer).
Or, la technologie est tellement avancée qu’il est devenu presque impossible de faire la différence entre un humain réel et un androïde, et les androïdes Nexus-6 paraissent souvent plus “humains” que les spéciaux. Le test Voigt-Kampff été inventé pour différencier humains et androïdes. Le héros du roman, Rick Deckard, qui est un blade runner, souhaite éliminer au moins six androïdes afin de toucher suffisamment de primes pour pouvoir s’acheter un mouton véritable, qui remplacera son mouton électrique. Mais sa tâche s’avère plus difficile que prévue lorsqu’il fait passer le test Voight-Kampff à Rachel Rosen, une jeune femme qui se croit sincèrement humaine alors qu’elle ne l’est pas… Une suite de mésaventures l’amène à croiser la route d’un deuxième blade runner, Phil Resh, qui pour sa part commence à avoir des doutes sur sa propre nature : serait-il un androïde sans le savoir et à qui on aurait implanté des souvenirs artificiels ? Ces rencontres pour le moins troublantes finissent par ébranler Deckard dans ses certitudes : est-il vraiment qui il pense être ?
De Descartes à Deckard…
Le récit de Philip K. Dick va, à mon sens, beaucoup plus loin que le film de Ridley Scott. Les personnages sont beaucoup plus ambigus et l’auteur parvient à insuffler un doute chez le lecteur qui persiste jusqu’à la fin et s’accroît à chaque chapitre. Cogito ergo sum, écrivait le philosophe, mais de Descartes à Deckard, il n’y a qu’un pas, et avec ces androïdes qui sont de vraies machines qui pensent et se croient humaines, c’est tout un pan de la philosophie qui est ébranlé, voire s’effondre sur lui-même.
Comme je n’avais pas relu Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? depuis presque vingt ans, j’avais oublié qu’il y a beaucoup plus de personnages dans le roman que dans le film, et que ces personnages permettent de donner de l’épaisseur au monde dans lequel ils évoluent. Parmi eux il y a Iran, la femme de Deckard, qui passe ses journées à programmer ses émotions sur un orgue d’humeur ; Mercer, le messie du futur qui encourage l’humanité à faire preuve d’empathie ; Isidore, un spécial qui s’est pris d’affection pour Pris, une Nexus-6 parfaitement similaire à Rachel puisqu’elles ont été fabriquées à partir d’un même modèle… Bref, autant de personnages qui donnent encore plus de perspective à ce monde futuriste captivant, mais aussi terriblement déprimant.
Et vous, connaissiez-vous ce roman ? Qu’en pensez-vous ? En règle générale, lorsque vous voyez des adaptations, vous préférez les films ou les livres ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Je ne suis pas d’accord
Moi non plus.