Les hommes sont forts, agressifs, autoritaires et fiers. Les femmes sont douces, sensibles, protectrices et émotives. Les hommes n’accordent pas d’importance à leur apparence. Les femmes sont sophistiquées. Et si tout ce que vous pensiez savoir sur les hommes et les femmes n’était que contes et légendes. Joël Pommerat, dans son dernier spectacle, s’amuse à déconstruire toutes ces croyances d’un autre âge et joue avec les codes et les apparences.
Le spectacle était joué la semaine dernière à Toulouse au Théâtre de la Cité et a reçu un accueil incroyable.
Contes et légendes du futur, il sera une fois…
Vous connaissez les contes traditionnels qui commencent par « il était une fois » ? Les Contes et légendes de Pommerat pourraient commencer par « il sera une fois » car c’est dans un futur (pas si lointain) que se déroule sa pièce. Bientôt, nous cohabiterons avec des I.A. et des robots. Ces machines sont déjà parmi nous. Et leur ressemblance avec nous sera si marquée qu’il faudra être très attentif pour différencier une personne naturelle d’une personne artificielle. Mais cette question, on pourrait aussi bien se la poser dès aujourd’hui, car quoi de plus artificiel que les stéréotypes de la masculinité et de la féminité ?
Dans cette pièce où les humains côtoient les robots, on est loin des scenarii habituels à la Blade Runner, Terminator ou Matrix. Dans Contes et légendes, point de soulèvement des machines. Ou quand un incident intervient, c’est accidentel. On est plus près des questions existentielles soulevées dans Carbone et Silicium : en demandant pourquoi une machine ne sera jamais un humain à part entière, on s’interroge sur ses propres limites. Passionnant. Effrayant.
Le spectacle donne surtout envie de donner un grand coup dans la fourmilière et d’enfin envoyer balader le sexisme, les inégalités systémiques, la transphobie, l’homophobie, la violence des rapports genrés… Non, l’identité ne doit pas se construire en opposition à quelque chose d’autre qui lui sert de repoussoir. La masculinité n’est pas l’anti-féminité. Et c’est là l’une des forces de ce spectacle !
Fragments de la société de demain
La pièce n’est pas vraiment un récit d’un seul tenant, plutôt un kaléidoscope. Mais on y rencontre des personnages récurrents : Arnaud qui fut blessé par un robot, Camille qui n’est pas assez masculin pour ses parents, Zachary le séducteur sensible, et bien d’autres… Pour aider ces enfants à grandir et à se construire, quelques adultes donnent des points de repères très discutables (pères absents et mères esclaves) et des robots jouent les substituts pédagogiques (Robbie, Steven) et émotionnels (Eddie Rodriguez).
Le spectacle va donc jouer avec la frontière poreuse entre la fiction et le réel. Qui joue devant nous ? Garçons ou filles ? Enfants ou adultes ? La mise en scène suffit à démontrer la pertinence du propos, qui n’est pas simplement un énième avatar des préoccupations wokes. Et si toutes ces notions, que l’on croyait indiscutables parce qu’inscrites dans nos sociétés depuis des siècles, n’étaient que contes et légendes ?
Il y a quelques années, nous vous avions recommandé avec enthousiasme d’aller voir Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat. On ne peut que renouveler ce conseil avec Contes et légendes s’il passe près de chez vous. C’est probablement l’un des meilleurs spectacles à voir en 2022.
Photo de couverture © Elisabeth Carecchio
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.