A partir de ce soir et jusqu’au 12 mars, les Ballets du Capitole de Toulouse proposent un programme exceptionnel autour de trois grands chorégraphes : Dawson, Forsythe et Godani. Avec Culture déconfiture, nous avons eu le privilège d’assister à la Générale du spectacle mardi soir à la Halle aux Grains, une soirée très particulière précédée d’une immersion dans les coulisses du spectacle et d’une rencontre exceptionnelle avec Kader Belarbi, le directeur du ballet.
Au programme, trois pièces courtes : A Million Kisses to My Skin de David Dawson, The Vertiginous Thrill of Exactitude de William Forsythe et A.U.R.A. (Anarchist Unit Related to Art) de Jacopo Godani. Ce qui unit ces trois œuvres dansées ? La virtuosité, la technicité et la musicalité du maître Forsythe et de ses deux héritiers.
La rencontre avec Kader Belarbi :
C’est dans un salon situé sous la Halle aux Grains qu’avec 5 autres bloggeurs nous avons eu le privilège de passer une heure avec le directeur du Ballet du Capitole Kader Belarbi et de nous entretenir avec lui.
Conversation détendue dans une ambiance agréable. La rencontre avec un chorégraphe aurait pu avoir de quoi impressionner, mais elle a pris la forme d’un dialogue improvisé sans chichi. Celui qui se définit lui-même comme un « cas atypique » de la danse (la danse ne fut pas pour lui une vocation, il rêvait d’être peintre) devint danseur étoile le 14 décembre 1989 avec le rôle de l’oiseau bleu dans la Belle aux bois dormant de Noureev. Il prit la direction de la danse à Toulouse en 2012 pour diriger cette belle institution qui compte 35 danseurs, âgés de 20 à 41 ans et de 14 nationalités ! Son objectif au sein du Capitole : faire que le ballet soit vivant aujourd’hui ! Le pari est relevé au vu de la programmation enthousiasmante qui est régulièrement proposée aux toulousains (et ailleurs, puisque le Ballet s’exporte parfois en dehors de la ville rose, jusqu’en Chine la saison prochaine) !
Le programme mixte qui est actuellement proposé sur la scène de la Halle aux Grains – Dawson/Forsythe/Godani – s’est créé en trois semaines et-demi, au rythme de trois heures de répétition quotidienne. Le cours du matin est quant à lui consacré à des exercices qui permettent aux danseurs du ballet de s’homogénéiser : les danseurs étant issus d’écoles différentes, Kader Belarbi fait en sorte de faire converger leurs techniques et de constituer avec eux un vocabulaire corporel commun, tout en tirant bénéfice de cette diversité de styles.
Dans sa création artistique enfin, il travaille comme un peintre tachiste. Ses danseurs sont ses couleurs, et en tant que chorégraphe aussi bien que directeur, il crée des tableaux ou des programmes qui permettront aux spectateurs de voir et surtout de ressentir ces émotions animées. Les danseurs sont vraiment la clé de son travail : ils sont à la fois le départ de son inspiration et la finalité de sa création ! Une obsession que l’on perçoit bien lorsque l’on voit ses spectacles.
Le programme : Dawson/Forsythe/Godani
Le programme a été conçu comme un chapitre d’histoire de la danse. Il y a le père spirituel : Forsythe ; et il y a ses héritiers : Dawson et Godani. Belarbi les a rassemblés pour nous raconter l’histoire et l’évolution d’une conception moderne de la danse. Le triptyque est assez court : environ 1h10 pour l’ensemble de la représentation.
Forsythe, d’abord, a déconstruit la danse classique. Il a créé des ballets plus abstraits, plus libres… il a brisé le carcan traditionnel, a tout changé dans l’espace, mais a néanmoins gardé de la danse classique tout le vocabulaire technique. Sa méthode relève d’un abécédaire gestuel, le tout dansé dans des accélérations et des variations de vitesse spectaculaires. Ses héritiers se sont nourris de cette nouvelle conception pour développer leurs propres pièces.
Dans A Million Kisses to my Skin, Dawson a chorégraphié une danse circulatoire d’une grande vélocité. Liner blanc au sol, camaïeu de bleu pour les costumes, la scénographie se veut sobre et met totalement en valeur les corps et les mouvements, le tout sur une musique de Jean-Sébastien Bach. Je pense que, des trois pièces, c’est celle que j’ai préférée.
The Vertiginous Thrill of Exactitude de Forsythe a été comparé par Kader Belarbi à un TGV de la danse ! En effet, 11 minutes seulement de spectacle, dans un condensé d’énergie, de couleur et de géométrie. Les danseurs virevoltent jusqu’à l’écroulement, mais la poésie n’est pas exempte de cette pièce, dansée sur la symphonie n°9 de Schubert.
A.U.R.A. de Godani est la pièce la plus contemporaine. Eclairage au néon, costumes noirs qui neutralisent la distinction masculin/féminin des danseurs, musique dissonante à tendance électro acoustique composée par le groupe 48nord… L’ambiance est à la fois glauque et abstraite (j’ai pensé aux scénographies auxquelles nous a habitué Olivier Py au théâtre). Le rendu est absolument fascinant et hypnotique !
En bref, je vous recommande vivement d’aller découvrir ce programme à la Halle aux Grains, à partir de ce soir et jusqu’à dimanche 12 mars. Vous assisterez une soirée athlétique et poétique, et vous comprendrez enfin le chaînon entre la danse classique et la danse contemporaine. Et cet éclectisme, à Culture déconfiture, on aime !
Merci au Théâtre du Capitole de nous avoir fait découvrir ce spectacle. En plus, cette soirée a été l’occasion de rencontrer d’autres bloggeurs de la ville rose, comme Karine de We Toulouse, que l’on vous invite à suivre sur les réseaux sociaux !
Après Nicht Schlafen d’Alain Platel, le programme Dawson/Forsythe/Godani est notre deuxième coup de cœur dansé de l’année 2017 !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.