En général, je regarde peu de spectacles à la télévision, parce que le théâtre ou la danse captés, je trouve que globalement ça rend assez mal (surtout le théâtre) et qu’on est loin d’éprouver les mêmes émotions que dans la salle de spectacle. Pourtant, hier soir, sur les conseils d’LN, une lectrice du blog, je me suis laissé convaincre de regarder Créer aujourd’hui, quatre ballets dansés à l’Opéra de Paris en novembre 2020 et qui avaient, à cette occasion, été retransmis en live sur Facebook.
Argument de choc : la première chorégraphie était signée Sidi Larbi Cherkaoui, un chorégraphe que je suis depuis près de 20 ans, sur la musique de S16, le dernier album de Woodkid dont je vous ai fait l’éloge ici !
Devant des rangées de fauteuils vides, les ballets se sont enchaînés pendant un peu plus d’une heure.
EXPOSURE
Dans une scénographie entièrement noire et blanche, Sidi Larbi Cherkaoui a demandé au musicien Woodkid de l’accompagner pour Exposure, pièce pour neuf danseurs qui évoque également la recherche photographique de Nan Goldin. Assis à jardin, parfois en tailleur au milieu de la scène, Woodkid est à la fois observateur et moteur du spectacle. Parmi les neuf danseurs, un couple est masqué et nous rappelle tristement pourquoi nous sommes assis dans notre canapé et pas dans les fauteuils rouges de l’Opéra Garnier… et que c’est malheureusement loin d’être terminé.
CLOUDS INSIDE
Sur un ton beaucoup plus léger et aux accents de folk américaine, un pas de deux signé Tess Voelker fait suite. Marion Gautier de Charnacé, en robe rose vintage, et Antonin Monié, les mains dans les bretelles, relancent avec une grâce juvénile les dés de la rencontre amoureuse comme une balade magique, sur la voix envoûtante de Nick Drake. J’ai adoré ce ballet très bref et sautillant qui réinsuffle un peu de joie dans l’art. Et par les temps qui courent, ce n’est pas du luxe !
BRISE-LAMES
Damien Jalet signe la troisième chorégraphie, dans une scénographie signée JR où neuf interprètes dansent sur les musiques de Koki Nakano, Ólafur Arnalds et Nils Frahm. Une ligne de bras, comme une vague, ondule dans la lumière. Avec un minimum de moyens, les danseurs font naître la mer sur la scène. Peu à peu, le vent se lève et le courant se déchaîne, faisant tourbillonner les corps perlant de sueur (ou d’eau de mer ?), au rythme de la respiration saccadée des artistes. Le tout s’achève dans l’image fixe et percutante d’un zodiac humain échoué au milieu de la scène, nous rappelant que des drames continuent de se dérouler sur la mer pendant que l’on danse en France.
ET SI
La soirée s’est achevée avec un ballet de Mehdi Kerkouche, sur une musique originale de Guillaume Alric. Longtemps de dos, les dix danseurs, en pantalons, shorts et tee-shirts ou torse nu, font corps commun et se soutiennent les uns les autres. Balayés par des lumières passant du bleu au rouge à des effets stroboscopiques, des gros plans sur les visages permettent de distinguer des tatouages éphémères, souvenirs de la grand-mère algérienne du chorégraphe. C’est certainement le ballet le moins narratif des quatre (ou dont j’ai le moins bien saisi le propos) mais qui m’a néanmoins plu par son énergie et sa mise en scène de corps différents (tailles, formes) qui font selon moi la beauté de la danse contemporaine.
J’ai été enchanté de passer une soirée à l’Opéra, même par procuration à travers un écran, et même si les rangées de fauteuils vides sur lequel le générique a déroulé m’ont brisé le cœur. Et cela m’a reconfirmé – mais était-ce nécessaire ? – que oui, indiscutablement, la culture et les arts sont essentiels, n’en déplaise à Manu !
Si vous voulez revoir ces quatre ballets, le replay est disponible en suivant ce lien jusqu’au 5 février 2021.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Merci pour le lien, je note pour regarder demain!
J’espère que tu vas aimer. En terme de choré, le premier est celui qui m’a le moins séduit, mais comme il y avait Woodkid je chipote pas, j’adore ! Les 3 autres sont plus dans la veine de ce que j’aime en danse !