À chaque fois qu’il vient à Toulouse, Tiago Rodrigues fait vibrer le public. En novembre 2021, il a présenté le spectacle de danse Please Please Please en collaboration avec Mathilde Monnier et La Ribot. Cette semaine, l’émotion a submergé le Théâtre de la Cité avec Dans la mesure de l’impossible, une pièce pour quatre acteurs et un batteur sur l’aide humanitaire. Retour sur une pièce documentaire choc.
Dans la mesure de l’impossible, entre théâtre et témoignage
Rien de plus efficace au théâtre que l’économie de moyens. Et Tiago Rodrigues l’a bien compris. Un vaste tissus blanc sur la scène, des guindes et des poulies pour former des reliefs, un éclairage doré et souvent rasant… le décor de l’impossible est créé !
Natacha Koutchoumov, Beatriz Brás, Adrien Barazzone et Baptiste Coustenoble s’emparent des récits de personnes qui ont travaillé dans l’humanitaire et nous refont vivre pendant deux heures la réalité du terrain de l’impossible. L’impossible, c’est cet ailleurs où la guerre fait rage, les génocides sont perpétrés, les bombes explosent. Avec les images du charnier de Boutcha qui ont récemment envahi nos écrans de télé, difficile de ne pas superposer dans nos esprits les images formées sur le plateau de théâtre et celles de la réalité ukrainienne. Mais tout au long de la pièce, l’impossible n’est jamais explicitement nommé. Pas besoin de savoir dans quelle partie du monde nous sommes, car quand le malheur et la barbarie frappent une région, alors elle devient aussitôt l’impossible, où que ce soit.
Qui sont ces gens qui viennent du possible – pays du nord, riches et en paix – pour apporter leur soutien actif dans les régions de l’impossible ? Qu’est-ce qui motive un Européen à quitter son confort et sa sécurité pour s’enfoncer dans l’horreur de l’impossible ? Comment revenir au possible (son mode de vie, ses relations humaines, ses discussions…) après avoir vécu des semaines ou des mois dans l’impossible ?
La musique au secours du théâtre
Les récits de ce spectacle sont édifiants. Et la musique ajoute une couche de terreur et d’émotion. Le percussionniste Gabriel Ferrandini est le cinquième artiste sur la scène. Il ne parle pas. Il frappe. Il bat. Il fait tonner les cœurs et les bombes. Il fait vibrer – littéralement – le théâtre. Mon fauteuil tremblait au rythme de la batterie, mon corps ressentait les pulsations de la musique.
Le fado entonné par Beatriz Brás est un autre moment incroyable de ce spectacle qui fait exploser l’émotion dans le théâtre alors plongé dans un silence abasourdi, entre recueillement et sidération.
Si Dans la mesure de l’impossible passe près de chez vous, n’hésitez pas à aller le voir. Ce spectacle vous fera entendre des témoignages rares et essentiels sur la dignité et la résilience humaines.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Que ça donne envie ! L’immersion proposée semble inoubliable.
Pauline, s’il passe en région parisienne, n’hésite pas à y aller ! Ce spectacle de Tiago Rodrigues, et “Contes et légendes” de Joël Pommerat qu’on a vu à Toulouse la semaine dernière. Deux gros coups de cœur !