Avec quinze objets culturels rencontrés (sans compter les DVD et Canal + à la demande), le mois de décembre a été excellent sur le plan culturel ! Très riche et très varié, notre goût éclectique en a eu pour son compte : du récital classique au medley loufoque et du film de genre au cinéma d’auteur ! D’ailleurs, ce mois-ci, le Bilan Culturel ressemble un peu aux résultats de l’Ecole des Fans : la presque unanimité a obtenu 10/10 (ou en l’occurrence un rond vert) !
AU CINEMA
⊕ Mia madre, de Nanni Moretti : C’est étonnant comme l’on n’est jamais déçu par le cinéma italien ! Même si je ne partage pas totalement l’enthousiasme de la presse concernant le dernier métrage de Moretti, je dois avouer que beaucoup de choses m’ont touché ou amusé dans Mia madre. Tout d’abord, j’ai aimé les personnages, très vrais dans leurs relations et dans leur caractère. Ensuite, j’ai été touché par les deux thèmes du film qui s’entrelacent : le premier est la mise en abîme du cinéma (l’héroïne est une réalisatrice angoissée et tyrannique bien en peine pour mettre en scène son nouveau film, et incomprise par ses acteurs à qui elle demande de manière récurrente « d’être à côté du personnage », consigne que l’on n’est pas sûr qu’elle comprenne bien elle-même) ; le deuxième thème est la fin de vie (le titre renvoie à la mère de cette même réalisatrice, ancienne professeur de latin, terrassée par la maladie d’Alzheimer). Pour ma part, j’ai particulièrement aimé le personnage incarné par John Turturro, un acteur cabotin et épuisant qui finit par trouver dans un ultime virage du film une incroyable profondeur. Bref, il s’agit pour Moretti d’un film probablement très personnel, puisqu’il y représente l’univers du cinéma et les angoisses existentielles qui ont été au cœur de ses films précédents.
⊕ The Thing, de John Carpenter : Adapté d’une nouvelle fantastique de 1938 (ou remake d’un film de 1951), ce film nous replonge dans l’univers des Montagnes hallucinées de Lovecraft dont on vous parlait le mois dernier. Entre solitude polaire et angoisses existentielles, The Thing est un film culte du cinéma de genre !
⊕ La Chambre interdite, de Guy Maddin et Evan Johnson : Entre expressionnisme et surréalisme, c’est le film le plus inattendu de 2015 et le plus bizarre que j’ai vu de toute ma vie de cinéphile ! Pour faire simple, un bûcheron canadien dans un sous-marin sur le point d’exploser, à la recherche du grand amour… Ca promet !
⊕ Star Wars, Le Réveil de la Force, J.-J. Abrams : On prend le même scénario qu’Un nouvel espoir, on change les personnages, et c’est reparti. Pari tenu, cahier des charges respecté. Résultat ? Un film qui correspond à 100% à notre horizon d’attente et ne nous surprend jamais. Bon divertissement digne des épisodes précédents : sitôt vu, sitôt oublié !
⊗ Le grand partage, d’Alexandra Leclère : Pour être tout à fait honnêtes, on l’a vu avec Charlotte et on a trouvé le film assez moyen… En fait, ça peut être acceptable pour une soirée TV-Candy crush mais il n’est pas indispensable de voir ce film au cinéma. Il part d’une excellente idée et met en scène un bon casting, mais le nombre de personnages et d’intrigues croisées ainsi que les retournements invraisemblables de situation rendent l’ensemble peu lisible, si bien que l’on ne sait pas très bien ce que la réalisatrice a voulu nous raconter.
⊕ Joy, de David O. Russel : Si vous suivez mes critiques sur le blog, vous savez que j’adore les portraits de femmes. Cette success-story inspirée du parcours réel de Joy Mangano est un pur enchantement. Bye-bye la fade et insipide Katniss d’Hunger Games ! Jennifer Lawrence incarne ici une vraie héroïne des temps modernes, inventrice de la serpillière magique et star du télé-achat ! Elle est quasi de tous les plans et retrouve pour l’occasion son partenaire Bradley Cooper avec qui elle formait déjà un excellent duo dans Happiness Therapy. Avec Robert de Niro et Isabella Rosselini dans les seconds rôles, aucune fausse note dans ce métrage, que je vous recommande chaudement et auquel je consacrerai une critique complète en 2016 !
AU THEATRE
⊕ La Cerisaie, d’Anton Tchékhov, par Christian Benedetti : Tchékhov a la réputation d’un auteur intello et un peu ennuyeux, dont les pièces lentes s’adressent essentiellement aux têtes grisonnantes. Pourtant, il suffit d’aller dans les théâtres pour se rendre compte que les pièces de Tchékhov regorgent d’une énergie puissante et jeune. Après Oncle Vania en mars (dans la version de Pierre Pradinas), La Cerisaie est la deuxième pièce de l’auteur russe que j’ai vue en 2015. Christian Benedetti a commencé en 2010 un projet ambitieux : monter l’intégrale des pièces du dramaturge. Il dirige ses acteurs avec pour mots d’ordre le ton de la conversation et la rupture du rythme. Le texte est débité à une vitesse haletante mais ponctué par des pauses qui étirent soudainement le dialogue et lui donnent un drôle d’écho. Le temps de la représentation, vous oubliez tout ce que La Cerisaie vous évoquait de nostalgie et de mélancolie : Benedetti n’a gardé de la pièce qu’une forme de fraîcheur et de vitalité (quitte à déplaire aux puristes).
⊕ Fin de l’Histoire, d’après Witold Gombrowicz, par Christophe Honoré : On connaissait Honoré cinéaste, on le découvre metteur en scène. Un spectacle un peu bancal qui interroge notre rapport à l’Histoire et au monde sous trois angles différents: celui de la famille, celui de la philosophie et celui de la politique ! L’on retiendra particulièrement deux scènes géniales : celle du cours de danse et celle des accords de Yalta 39 ; et l’on saluera la performance de Marlène Saldana que l’on ne demande qu’à revoir !
⊕ L’Exo-conférence, d’Alexandre Astier, par Jean-Christophe Hembert : J’ai entendu parler de ce spectacle depuis des lustres et j’avais très envie de le voir ! J’avais beaucoup aimé Que ma joie demeure !, le précédent spectacle d’Astier sur Jean-Sébastien Bach et je suis fan devant l’Eternel des premières saisons de Kaamelott. Avec l’interprète de Caradoc (Jean-Christophe Hembert) à la mise en scène, L’Exo-conférence est un très bon divertissement, à mi-chemin entre le one-man-show comique et l’exposé critique sur la question extraterrestre. Cependant, plusieurs questions me chiffonnent parmi les points abordés par le spectacle et je consacrerai dès 2016 un article complet au sujet de cette pièce, avec petit droit de réponse à la clé !
EN CONCERT
⊕ Leif Ove Andsnes : Avec son programme autour de Sibelius, Beethoven, Debussy et Chopin, le pianiste norvégien a conquis la Halle aux Grains de Toulouse. Je ne peux pas vraiment en dire du mal car je ne suis pas mélomane, je me contenterai donc de dire qu’à titre personnel je n’ai pas été touché…
⊕ Les Franglaises, nouvelle version : Pour ceux qui l’ignoreraient encore, les Franglaises sont un groupe de chanteurs, musiciens et comédiens dont le tour de chant est une reprise des plus grands tubes anglo-saxons traduits littéralement en français. Et le mot « tube » retrouve vraiment son sens, tel qu’il fut défini par Boris Vian dans les années 50 : « chanson à succès dont les paroles sont creuses… comme un tube ». En effet, savez-vous vraiment ce que vous chantez, quand vous baragouinez les plus grands succès des Beatles, Beach Boys, Queen ou Michael Jackson (ou devrais-je dire des Scarabées, Garçons de plage, Reine et Michel fils de Jacques) ? Grâce aux Franglaises, préparez-vous à basculer dans un vertigineux néant sémantique !
LECTURES
⊕ Le Petit chaperon rouge, de Joël Pommerat : C’est pour intéresser sa fille Agathe âgée de sept ans que Joël Pommerat a réécrit le conte populaire du Petit chaperon rouge. Il s’agissait d’un moyen d’intéresser l’enfant à son métier de dramaturge et metteur en scène, vexé qu’il était lorsqu’il lui proposait de venir assister à des répétitions de spectacles et qu’elle répondait « Bof, non, j’ai pas trop envie ». Cette réécriture fait de la jeune héroïne un personnage moins niais que celui que l’on imagine traditionnellement, et elle fait entrer le conte dans la modernité.
⊕ Pinocchio, de Joël Pommerat : Adaptée fidèlement du conte italien de Carlo Collodi, cette pièce détourne les éléments les plus connus du récit pour nous faire réfléchir aux questions de la pauvreté, des illusions de la société du spectacle et de la liberté. Idéal pour de jeunes acteurs / lecteurs et très différent du Pinok et Barbie de Jean-Claude Grumberg.
⊕ Cendrillon, de Joël Pommerat : Cette pièce est probablement celle des trois réécritures de contes la plus aboutie. Elle semble d’ailleurs s’adresser autant à des adultes qu’à de jeunes spectateurs. Il y est essentiellement question du mal-être qui existe chez la jeune héroïne, Sandra/Cendrier, qui ne parvient pas à faire le deuil de sa mère. Pour cela, elle s’avilit, elle s’inflige les tâches les plus ingrates, elle s’impose de penser à sa défunte mère à chaque minute au moyen d’une montre qui sonne perpétuellement. Les autres personnages de cette pièce sont très nuancés et crédibles. L’horrible belle-mère semble peiner à trouver sa place auprès du père de Cendrillon et à accepter de vieillir, le prince est l’étrange reflet de la souffrance de Sandra, la fée est une drôle d’immortelle qui ne sait plus comment occuper son éternité… Finie la niaiseuse problématique de la gentille et pauvre héroïne à l’infinie bonté, cette Cendrillon n’est pas sympathique et elle le revendique, elle est ingrate et elle veut qu’on la laisse souffrir en paix ! Une fable magnifique sur la résilience et sur le deuil, à lire ou à voir en spectacle !
⊕ Nécronomicon : Il existe de nombreux ouvrages relatifs au mystérieux Nécronomicon évoqué à plusieurs reprises par Lovecraft dans l’ensemble de son œuvre. Celui que j’ai trouvé (éditions Belfond) se situe entre le grimoire de magie et le récit cosmogonique selon le mythe de Cthulhu. Intéressant, instructif, mais pas indispensable.
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.