Et voilà, encore une année qui s’achève. Ce mois-ci, nous avons assisté au Festival International Séquence Court-Métrage, à des pièces de théâtre variées, des concerts, etc. Il est grand temps de faire le bilan culturel du mois de décembre 2024, le dernier de l’année ! C’est parti !
Qui som ? de Baro d’evel au Théâtre de la Cité
Déjà vu en juin dernier pour son avant-première (avant de partir pour Avignon où le spectacle a cartonné), quel plaisir de revoir ce mois-ci Qui som ? qui a bien profité de l’été pour mûrir. Un spectacle dans la lignée de Là et Falaise, dans lequel on retrouve aussi certains motifs de La Cachette (notamment l’utilisation de la poterie). Poétique, drôle, émouvant aussi, ce spectacle produit en nous une myriade d’images : la mer, le tour du potier, l’histoire de l’humanité… Une petite fille et un chien ponctuent les tableaux qui se succèdent, spectateurs de cette odyssée spectaculaire.
Une irritation [des arbres à abattre] d’après Thomas Bernhard par Sébastien Bournac au Théâtre Sorano
Ce spectacle est une sorte d’adieu de Bournac au Sorano, qu’il a dirigé pendant de nombreuses années. En s’emparant du texte acide de Bernhard, il interroge les artistes sur leur intégrité et se moque avec férocité de la société du spectacle. C’est cruel, ça pique… C’est un spectacle dans lequel Bournac reste dans son dispositif préféré (l’acteur qui parle face public) mais dans lequel il déroge à certaines de ses habitudes : exit les micros, cables, entassements de projecteurs directement sur la scène, écrans… En faisant le choix d’une scénographie plus classique, il signe aussi l’un de ses spectacles les plus réussis sur le plan esthétique.
From England with Love, d’Hofesh Shechter à L’Estive de Foix
Pour que j’aille jusqu’à Foix pour voir un spectacle, il faut que ça vaille le coup. Comme j’avais adoré il y a un an le ballet Contemporary Dance 2.0 (du même Hofesh Shechter), je n’ai pas hésité à m’enquiller une heure de route pour découvrir ce nouveau spectacle. From England with Love est une ode au pays d’adoption du chorégraphe. Il rend hommage aux paradoxes d’une Angleterre qui a su l’accueillir avec ouverture et générosité, mais reste traversée de zones d’ombres et marquée par un puissant attachement aux traditions. Entre extraits de Purcell, rock rageux, chœurs et dissonances électroniques, les jeunes danseurs virtuoses de la compagnie Shechter II nous entraînent dans une décoiffante quête d’identité au sein d’une complexité so british, dont ils n’hésitent pas à se moquer ! Même si je n’ai pas retrouvé l’émotion d’il y a un an, j’ai apprécié le remarquable travail de lumière qui sculpte l’espace et les silhouettes, une qualité technique que l’on voit rarement au théâtre.
Quatre saisons dansées, par le Concert de la Loge et la Compagnie Käfig à la Halle aux Grains
Quel plaisir de réunir un grand ensemble baroque (le Concert de la Loge dirigé par Julien Chauvin) et une excellente compagnie de danse contemporaine (Käfig, dirigée par Mourad Merzouki) pour un concert dansé sous le signe des Quatre saisons de Vivaldi. On ne le dira jamais assez : culture classique & culture populaire forment un mariage très harmonieux et ces Quatre saisons dansées en sont la démonstration !
Cupidon est malade, de Pauline Sales par Lucie Roth
Le jour du mariage de leurs parents respectifs, Tine et Robin n’ont pas vraiment le cœur à la fête. Habitués aux promesses d’amour éternel qui finissent par s’effriter, les deux enfants n’attendent plus grand-chose de cette journée. Mais une rencontre inattendue va tout bouleverser : celle de Cupidon, devenu locataire dans un HLM et fournisseur de philtres d’amour conditionnés… en pots de confiture ! Déterminés à tester un pari audacieux, Tine et Robin se lancent dans une expérience hors du commun : prouver que l’amour peut surgir n’importe où, même le jour d’un mariage.
Cette comédie tout en rire et en musique est encore à l’affiche ce soir (31 décembre) pour une Saint-Sylvestre festive et réussie !
Fanfreluches et idées noires, d’Alexis Langlois
Voilà un film très conceptuel et chelou. Dans une ambiance d’after un peu suicidaire, une bande d’individus hétéroclite s’adonne à des moments de chant (J’attendrai de Dalida), de sexe, de drogue, de sieste et de cinéma. Visuellement, de bonnes trouvailles, des choses assez belles. Mais en termes de scénario en revanche, quel ennui ! Il parait qu’Alexis Langlois a fait mieux depuis… Mais ce court-métrage ne m’a pas spécialement donné envie d’en découvrir davantage.
Filante, de Marion Jamault
Quel beau film d’animation pour enfants que ce Filante. Une gardienne de phare s’ennuie de ne pas voir revenir Ratou, son rat de compagnie. Guidée par une étoile filante qui chaque nuit passe devant la lune, au-dessus de son phare, elle décide de partir à l’aventure pour retrouver son petit rongeur. Il faut toujours suivre les étoiles filantes, elles nous conduisent toujours là où on ne s’attend pas. Ce film tendre et malicieux a reçu le Prix du Public du Festival International Séquence Court-Métrage dans la catégorie Compétition Jeune Public 3 ans. C’est mérité !
Serpente, de Félix Imbert
Au bord de la Méditerranée, à La Franqui, un jeune homme tente de cambrioler une villa. Mais voilà qu’au grenier, il fait une rencontre inattendue et fantastique. Le film est étrange, les personnages ont des dialogues que l’on a du mal à comprendre, comme s’il s’était passé beaucoup de choses essentielles avant et qu’il devait encore se dérouler de nombreuses choses après. Une étrangeté déstabilisante, mais pas forcément désagréable.
Pleure pas Gabriel, de Mathilde Chavanne
J’ai adoré ce court-métrage très tendre. Gabriel est un jeune homme à fleur de peau. Il a perdu le goût de vivre et il a la larme facile. Mais une nuit, les événements vont s’enchaîner ainsi que les rencontres, qui vont lui donner enfin envie de pleurer pour de bonnes raisons.
Ce que j’ai aimé dans ce film, c’est aussi la critique sociale qui se dessine en filigrane : la détresse des hôpitaux publics. Ce n’est pas le sujet du film, mais le message est bien passé ! On veut voir d’autres films de Mathilde Chavanne, c’est dit !
Météores, d’Agnès Patron & Morgane Le Pechon
Voilà un drôle de film, plutôt aux allures de clip. Par une fraîche nuit d’été, des animaux aux yeux remplis de lumière quittent la forêt pour s’aventurer dans un quartier de banlieue. Quatre enfants sortent furtivement de leur lit et des étoiles commencent à tomber du ciel. Au matin, tout aura changé, au terme d’une course haletante.
Voice Ever, de Pauline Archange & Céline Perreard
J’ai aimé ce film qui pourrait tout à fait figurer parmi les épisodes de la série d’anthologie Black Mirror. Avec l’application Voice Ever (entre le réseau social et l’IA), des solitudes peuvent se rencontrer et échanger. Le film, dans sa structure, évoque La Ronde : A rencontre B, qui rencontre C, qui rencontre D, qui rencontre E… qui rencontre A. Sauf que dans La Ronde, chaque individu couchait avec le suivant… Mais aujourd’hui, l’heure est au virtuel, donc on se contente de parler sans se rencontrer.
J’ai beaucoup aimé l’écriture et la capacité de ce film à croquer des personnages denses et profonds en seulement quelques minutes. On a envie de voir d’autres réalisations de ce duo de cinéastes !
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, d’Olympe de Gouges
La Déclaration d’Olympe de Gouges ne parut qu’en cinq exemplaires en septembre 1791 et resta à l’état de projet car elle ne provoqua chez les députés que quelques sarcasmes ou de l’indifférence. Il faut attendre 1840 pour que quelques extraits soient publiés, et l’intégralité du texte ne l’a été qu’en 1986, par Benoîte Groult.
La Zone du Dehors, d’Alain Damasio
L’humanité a quitté son berceau pour s’installer sur des exoplanètes au fin fond du système solaire. Cerclon est une société parfaitement démocratique, tous les individus sont évalués, classés, surveillés… Mais voilà, cette société aseptisée et liberticide n’est pas au goût de certains individus qui aspirent à un grand renversement. La Zone du Dehors est le premier roman de Damasio, mais on y retrouve déjà tout le souffle anarchiste et poétique de ses romans ultérieurs. L’inventivité linguistique est une véritable délectation.
Journal de 1985, de Xavier Coste
J’avais adoré l’adaptation que Xavier Coste avait faite de 1984 de George Orwell. Le bédéiste a tellement aimé cet univers qu’il s’est lancé dans une nouvelle aventure : imaginer la suite du roman avec une intrigue qui se déroule une année après, en 1985. Comment le peuple d’Océania aurait-il réagi si, de manière anonyme et clandestine, le récit de Winston avait été diffusé ? Avec de nouveaux personnages, Xavier Coste nous montre à quel point la domination de Big Brother peut encore s’étendre…
Une telle suite était-elle nécessaire ? Pas vraiment. Mais ce nouveau récit est absolument magnifique à parcourir pour ses images extrêmement fortes dont Xavier Coste a le secret, avec ses trois couleurs primaires et ses lignes épurées.
Et vous, qu’avez-vous vu et lu au cours de ce dernier mois de l’année 2024 ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.