Cela faisait longtemps que les fans attendaient une adaptation digne du chef-d’œuvre de la science-fiction Dune. Trente-sept ans après la très décriée version de David Lynch, c’est le virtuose Denis Villeneuve qui se prête à l’exercice avec un film en deux parties, dont la première est sortie sur nos écrans cette semaine. Verdict ?
Dune en résumé
Après 80 ans d’exploitation par la terrible famille Harkonnen, la planète Arrakis – dite Dune – est confiée au duc Leto Atréides par l’Empereur. Cette planète a un rôle particulièrement stratégique : c’est la seule dans l’univers sur laquelle on trouve l’épice, une substance extrêmement précieuse qui permet de faire des voyages interstellaires. Mais la famille Harkonnen n’est pas prête à se laisser déposséder si facilement de cette planète qui a fait d’elle la famille la plus riche de l’univers… pas plus que les Frémen, le peuple autochtone d’Arrakis qui souhaiterait enfin retrouver sa souveraineté.
Paul, le fils de Leto et de sa concubine Jessica, se retrouve au cœur d’un terrible conflit cosmique dont il est, semble-t-il, la pierre angulaire.
La touche Villeneuve
Ce serait enfoncer les portes ouvertes que de dire que Denis Villeneuve est l’un des plus grands réalisateurs de notre époque. Chacun de ses films est un bijou du septième art, en particulier sur le plan visuel. Avec Dune, il n’a déjà plus grand chose à démontrer. Avec ses films précédents Premier contact et Blade Runner 2049, il a donné a montré qu’il maîtrisait les codes de la science-fiction, tant sur le plan visuel que sur le plan spirituel.
Son Dune est donc en adéquation avec le cahier des charges qui lui a été confié : à la fois rythmé et vaguement contemplatif, très léché visuellement et mis en scène avec intelligence. Tous les ingrédients sont réunis pour passer 2h30 de bon divertissement. Oui mais… il y a un mais.
Dune, un film réussi mais peu visionnaire
Dune est un roman réputé inadaptable. À titre personnel, je ne suis pas particulièrement sévère avec la version de 1984 avec Kyle MacLachlan. Ce n’était pas un film totalement réussi et ses effets spéciaux ont beaucoup vieilli, mais il n’entre pas dans la catégorie de ce que j’appelle un navet… En comparaison, la nouvelle version est certainement plus riche et plus ambitieuse.
Mais je pense avoir trop en tête le fantôme d’une version avortée d’Alejandro Jodorowsky, une œuvre tellement visionnaire qu’elle n’a jamais pu être concrétisée, si bien que la version très sage de Villeneuve m’a presque déçu.
Attention, je ne dis pas que le film est mauvais. On ne voit presque pas le temps passer (bon j’ai un peu piqué du nez sur la dernière demi-heure) et le travail des décors et costumes est somptueux. Mais avec sa palette de tons très resserrée, son registre très premier-degré, on est face à une œuvre très – voire trop – maîtrisée qui ne laisse pas assez de place à l’onirisme et au délire.
Pourtant, l’un des thèmes centraux de Dune, c’est bien la puissance des rêves et le pouvoir psychotrope de l’épice. Un réalisateur surréaliste comme David Lynch semblait donc mieux désigné pour adapter un tel chef-d’œuvre et on sait que même lui s’y est cassé les dents.
Avec ses couleurs acidulées, ses croquis surréalistes et son casting totalement fou (Salvador Dali, Orson Welles, Amanda Lear, Mike Jagger…) le projet de Jodorowsky était également plus délirant que celui de Villeneuve, tranchant totalement avec tout ce qui s’était jamais fait dans le domaine de la science-fiction. Mais ce fut encore un échec puisque le montage financier de ce film n’a jamais pu être réalisé. Peut-être est-ce ce qui a rendu les producteurs de la version 2021 plus frileux et moins audacieux ?
L’adaptation de Villeneuve est donc une version sage et consensuelle, qui sera probablement un succès public mais qui personnellement me laisse un peu sur ma faim.
Un casting de superstars
Le casting, c’est le dernier bémol que ferais à l’égard de cette adaptation. En recrutant de grands acteurs comme Jason Momoa, Oscar Isaac (mon chouchou), Charlotte Rampling ou encore la star ascensionnelle Timothée Chalamet, la prise de risque est assez minime. Et en effet, le jeu est bon dans l’ensemble. Bon mais sans surprise.
Et personnellement, j’ai toujours un peu de mal avec les films qui cumulent les têtes d’affiches. J’ai l’impression que les personnages disparaissent un peu derrière les vedettes et que l’on ne voit pas Duncan, le duc Leto ou le héros Paul mais “le mec d’Aquaman“, “le mec de Star Wars” et “le mec de Call me by your name“…
Vous me direz que cet effet n’aurait pas été très différent avec le Dune de Jodorowsky. Certes, mais la distribution idéale à laquelle il avait pensé était, me semble-t-il, plus surprenante et plus audacieuse.
Un film qui devra faire ses preuves sur le long terme
Bref, vous l’avez compris, je n’ai pas été séduit autant que je l’aurais aimé par le Dune de Denis Villeneuve. C’est un film de bonne facture qui semble essentiellement répondre à un cahier des charges (et le fait parfaitement). J’attends la deuxième partie (qui n’a pas encore été tournée) pour voir si Villeneuve va un peu s’émanciper et donner à ce film une envergure nouvelle, une dimension plus onirique ou psychédélique comme cette histoire le mérite.
Et vous, avez-vous vu cette adaptation ? Qu’en avez-vous pensé ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Très curieuse de savoir ce que ça peut donner, moi qui curieusement avait bien aimé le livre !
Voilà, vu… et aimé ! Visuellement ça met une claque, et la musique m’a complètement transportée. J’attends beaucoup de la suite, car au final on effleure à peine le début de l’histoire dans ce premier volet. Après c’est vrai que ça simplifie pas mal la trame du roman, ça a des bons et des moins bons côtés ! Mais vraiment pas déçue par ce film 🙂