Emilia Pérez, c’est un peu comme un mojito avec un zeste de surréalisme et une pincée de drame : rafraîchissant, audacieux et un brin déstabilisant. Ce film, c’est un cocktail improbable qui mélange les genres pour nous emmener là où on ne s’y attend pas. Préparez-vous à une virée cinématographique où la comédie se frotte au drame avec l’élégance d’une danse endiablée. Vous pensiez avoir tout vu ? Détrompez-vous.
Emilia Pérez : une transformation qui dépote
Jacques Audiard qui fait un film sur les cartels mexicains ? Jusque là, ça tient la route, ça colle avec les univers auxquels le cinéaste nous a habitués et dans lesquels il est parfaitement à l’aise. En revanche, le thème de la transidentité et la forme de la comédie musicale, c’est plus surprenant : on penserait plutôt à Pedro Almodóvar… ou Jacques Demy, à la rigueur.
En résumé : Manito, c’est le genre de type que vous ne voudriez pas croiser dans une ruelle sombre. Sauf que voilà, notre Manito a une idée en tête qui va le changer, littéralement. Plutôt que de se mettre au tricot pour trouver la paix intérieure, il décide de se transformer en… femme ! Et pas n’importe quelle femme : Emilia, une version d’elle-même pleine de charme et d’audace. Ce choix, aussi déconcertant qu’il puisse paraître de la part d’un caïd qui représente à lui seul tous les stéréotypes de la virilité toxique, est traité avec une finesse qui surprend. On est loin de la caricature : Emilia nous embarque dans son aventure où le mascara se mêle aux réflexions sur l’identité, et croyez-moi, ça décoiffe !
Un casting qui ne manque pas de pep’s
Les actrices de ce film, c’est du lourd ! Sur la Croisette en mai dernier, Emilia Pérez a reçu le Prix du jury et le Prix d’interprétation féminine pour ses quatre actrices principales Zoe Saldaña, Adriana Paz, Selena Gomez et Karla Sofía Gascón. Voir Zoe Saldaña dans un rôle plus sérieux que celui de la très verte Gamora dans Les Gardiens de la Galaxie ou la chanteuse Selena Gomez que j’ai surtout découverte sur Disney Plus dans la série Only Murders in the Building (la saison 4 sort ce 27 août) est vraiment un enchantement.
L’interprète de Manito-Emilia, Karla Sofía Gascón, est une vraie révélation, perpétuellement sur le fil du rasoir entre le drame et la comédie. Les personnages secondaires ne sont pas en reste : ils apportent chacun leur grain de sel et contribuent à cette recette cinématographique parfaitement assaisonnée.
Une mise en scène qui en jette
Côté mise en scène, on n’est pas non plus sur du conventionnel. Jacques Audiard a clairement décidé de s’amuser avec son public, et ça se voit ! Chaque image est travaillée dans les moindres détails (composition, lumière), la musique donne envie de danser ou de pleurer, et bien que le sujet puisse facilement basculer dans le grotesque, il parvient à maintenir un discours engagé et profond. On oscille entre le réel et l’imaginaire avec une fluidité désarmante. En résumé : c’est beau, c’est original, et ça fonctionne à merveille. Le scénario en revanche se perd parfois un peu en atermoiements sentimentaux, ce qui fait que la seconde moitié du film m’a un peu moins captivé que la première, qui m’a scotché.
Il y a quelques mois, Luc Besson avait lui aussi sorti un film (Dogman) sur un marginal ultra-violent et travesti auquel je n’ai pas pu m’empêcher de penser en voyant Emilia Pérez. On retrouve dans les deux films cette hybridation iconoclaste entre la violence des gangs et une identité sexuelle ambiguë. On sent que cette dernière thématique est très inspirante dans les années 2020 et donne envie aux réalisateurs de parcourir de nouveaux territoire inexplorés. Pour ma part, je crois que j’ai préféré le scénario du film de Besson, même si sur le plan cinématographique, celui d’Audiard est autrement plus bluffant.
Un ovni cinématographique
Emilia Pérez, c’est le genre de film qui vous fait réfléchir tout en vous collant un sourire sur le visage. Peut-on devenir quelqu’un d’autre ? Échapper à son passé et à son moi profond ? Obtenir tout ce que l’on désire en refusant de faire des sacrifices ?
Derrière ses airs de comédie décalée, le film aborde des sujets sérieux avec une légèreté bienvenue. C’est un film qui prouve que l’on peut parler de choses profondes tout en jouant avec les codes du divertissement. Une vraie bouffée d’air frais dans le paysage cinématographique, et croyez-moi, vous ne verrez plus jamais les cartels mexicains de la même manière.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.