Enfin. Mon retour au théâtre aura été pour l’incontournable En attendant Godot. Une pièce de théâtre que je rêvais de voir depuis plus de 20 ans, rien que ça. C’est donc avec un plaisir immense que j’ai retrouvé hier les sièges des salles pour les deux actes de cette pièce tant attendue !
L’iconique En attendant Godot de Samuel Beckett
Auteur phare du théâtre de l’absurde, terme qu’il récusait pourtant lui-même, Samuel Beckett est un auteur irlandais. En attendant Godot est son œuvre la plus connue, mettant en scène deux pauvres hères, Estragon et Vladimir, alias Gogo et Didi. Ils sont là à attendre Godot. Mais qui est Godot ? On ne le sait pas, mais il faut l’attendre. Ici, là, pas loin d’un arbre. Tout ira mieux apparemment quand il sera là. Alors ils attendent. Un drôle de couple croise leur route. l’impétueux Pozzo et Lucky, qui semble être son esclave. Dans une mise en scène totalement dépouillée selon les codes voulus par l’auteur, nous assistons donc à cette attente.
La Compagnie des Vagabonds au théâtre du Pavé : toujours parfaite !
La fameuse compagnie des Vagabonds du théâtre du Pavé a mis en scène cette grande œuvre de Samuel Beckett en 2014. Et c’est avec un immense plaisir que nous avons pu la découvrir hier soir ! Denis Rey incarne Vladimir, celui qui attend VRAIMENT Godot, qui semble y croire, au moins un peu. “L’optimiste” pathétique de cette œuvre tragique.
Francis Azéma est un parfait Gogo, avec son jeu si caractéristique tout en rondeur. Comme me disait Julien, il apporte toujours une vraie tendresse à ses personnages. Et c’est exactement ça ! Il est celui qui veut partir… Comme nous disait notre camarade de soirée, “on a tellement pitié de lui à chacun de ses “ah c’est vrai” quand il se souvient que non, on ne peut pas, on attend Godot”… Le duo Alain Dumas-Pozzo et Juan Alvarez-Lucky est aussi inquiétant qu’émouvant. Et l’énigmatique Adrien Boisset, porteur de la mauvaise nouvelle toujours répétée que l’attente se poursuit… encore… Tellement dans la justesse, c’est vraiment un plaisir de voir jouer la compagnie des Vagabonds !
Philosophique, théologique… : absurde ou pas En attendant Godot ?
Au grand désarroi de Samuel Beckett, En attendant Godot est une œuvre parmi les plus étudiée de l’Histoire du théâtre. Et c’est sous cette approche d’analyse que je l’ai découverte, lue et adorée. C’est de là qu’est né mon vif intérêt pour le théâtre de l’absurde. Car comment se contenter d’une pièce où on attend Godot sans chercher à comprendre QUI est ce fichu Godot ? Bien entendu, on pense à Dieu, God. La pièce a été rédigée en 1948, après le traumatisme de la Seconde guerre mondiale qui a profondément bouleversé le monde de l’Art et de la représentation. Il faut chercher un sens après tout cela, et God viendra t-il sauver Gogo et Didi ? Les références à la religion sont fréquentes et forcément, la dimension spirituelle désabusée semble s’imposer.
En attendant Godot est une œuvre qui questionne le but même de la vie, et de la manière dont les jours passent “en attendant”. La vacuité éclate dans toute sa splendeur tout au long de la pièce. On attend et on comble cette attente. On s’embrasse, on pleure, on fait la conversation, on se remémore des souvenirs, on s’indigne à pile ou face, on est gentil, on est méchant. Le tout semble sans but, pessimiste ou tout du moins fataliste. Au final ce n’est que le temps qui passe en attendant Godot. Dans cette atmosphère – et à la lecture – l’absurde de l’existence décrite ainsi semble donc imposer l’œuvre dans le registre du théâtre de l’absurde, effectivement. Mais est-ce si absurde ?
Moi aussi j’attends toujours Godot
Car tout ça, toutes ces analyses, Beckett ne les validait pas. Au final, quelle meilleure illustration de la vacuité de l’existence qu’il met en scène que de chercher un sens à tout cela… ? Il faut bien s’occuper… Si je trouve que toute cette partie d’étude reste passionnante, c’est autre chose de la voir jouer. Et là, assise devant ce dépouillement, à ce moment là de ma vie, j’ai vécu l’une de mes plus importantes claques théâtrales de mon existence. Claque émotionnelle tout court d’ailleurs. Mon correcteur orthographique avait mis “tout coeur” en premier, et c’est bien là que j’ai reçu l’oeuvre, droit dans la poitrine.
J’ai redécouvert En attendant Godot dans tout son “vide”. La vie passe, ou plutôt un jour passe. On le subit, on essaye de le combler. On attend un mieux, un sauvetage, une rédemption, qu’importe. Elle n’existe pas et on le sait, mais on l’attend quand même. Chaque situation renvoie à un vécu que nous avons tous, que nous aurons tous. C’est une œuvre totalement actuelle, car au final intemporelle. Elle est plus qu’accessible, et l’absurdité n’existe plus finalement. Enfin si, l’absurdité de la vie, mais pas celle de la pièce. Il n’y a pas un seul mot en trop chez Samuel Beckett. Absolument tout a du sens. Tout. Et ça, je ne l’avais pas en tête à ce point là avant de voir cette pièce jouée. On occupe la vie, en attendant… On peut se lamenter ou en rire jaune comme le font en alternance Gogo et Didi, mais au final, quoi qu’on choisisse on attend. Et il n’y a rien à faire face à ce temps qui passe, car il n’y a pas de but. Si seulement on arrêtait de penser…
Un immense merci à la compagnie des Vagabonds pour ce moment d’émotion brute…
Il reste peu de temps pour découvrir En attendant Godot au Théâtre du Pavé (métro Saint-Agne) : ce soir, samedi et dimanche 20 juin à 19h30. Allez-y… C’est indispensable.
© Théâtre du pavé
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2 comments
merci beaucoup pour cette belle critique. Juste une petite erreur sur la distribution : il s’agit d’Alain Dumas dans le rôle de Pozzo…
Amicalement,
L’équipe du Pavé
C’est corrigé, merci, vraiment désolée pour cette erreur ! Merci à la troupe pour ce beau moment