Il y a quelques semaines, je suis allée au musée d’Orsay pour l’exposition « L’ange du bizarre ». Il est rare que je rate une de leurs expos, et pour le coup l’affiche et le thème m’attiraient vraiment tout particulièrement. Il est vrai que le « côté sombre » du romantisme n’est pas forcément ce qui nous vient à l’esprit quand on évoque ce courant artistique, et en dehors des « caprices » de Goya je ne voyais pas trop ce que j’allais trouver sur les cimaises !
Le texte d’intro pose bien le concept de l’expo : du sombre, de l’irrationnel, du dérangeant, du subversif. Avec quand même au passage un petit coup de griffe envers les Twilight et autres récits de dark fantasy (un peu ironique quand on pense que le musée cherche forcément à surfer sur la vague également, hein ? 😉 ). Honnêtement, l’entrée est assez bluffante. On plonge d’un coup dans un univers gentiment angoissant, porté par des peintres anglais de la fin du XVIIIème siècle. Le pandémonium de John Martin est à couper le souffle. J’étais scotchée devant ce grand format, sa luminosité qui vient du sol, l’enfilade de l’architecture. Et bien entendu, Le cauchemar de Füssli. Devant mes yeux. Toujours assez troublant de voir enfin « en vrai » un tableau ultra connu. Je suis restée un bon moment devant ce tableau très dérangeant, et finalement très lumineux, comme quoi les reproductions ne nous permettent vraiment pas de « ressentir » une œuvre ! Une autre œuvre puissante : le Dante et Virgile aux enfers, de William Bouguereau. Le dessin de ces corps qui se battent à mort, le rendu de la couleur des chairs est à proprement parler fascinant, on a du mal à détacher les yeux du travail des lignes, des teintes. Une merveille de maîtrise.
L’inspiration de tous ces artistes des premières salles est avant tout littéraire, c’est Shakespeare, Milton, Dante, Goethe. Inutile de vous dire que ça me donne très très envie de découvrir leurs œuvres, à part Shakespeare je n’ai jamais lu leurs récits. Une esquisse du Radeau de la méduse de Géricault est présentée. J’ai été étonnée de la voir là, c’est une scène presque « historique » vue et revue. Mais comme quoi, placer une œuvre connue hors de son contexte habituel aide à l’envisager sous un autre angle ! Je n’aurais jamais pensé à considérer le Radeau comme un avatar du romantisme noir !
C’est clairement cette première partie sur la naissance du romantisme noir qui m’a le plus séduite. Très cohérente, avec des œuvres extrêmement fortes.
Un peu un coup de mou en milieu de parcours. Je suis pourtant une assez bonne cliente pour le mouvement symboliste, mais je pense que la première partie avait placé la barre très très haute. Le thème de la femme fatale est joliment illustré, mais j’ai eu un peu le sentiment d’une expo dans l’expo, comme si cette thématique était un peu à part par rapport au reste. Une œuvre de Munch tout de même m’a vraiment frappé, Vampire, avec une femme aux longs cheveux roux qui étreint un homme et semble le mordre.
La mort et le fossoyeur de Carlos Schwabe est aussi un des tableaux forts de l’exposition. Notamment par l’utilisation de ce vert si particulier dans la main de la Mort, je n’ai pas souvenir d’avoir déjà vu un tel éclat. Un peu étonnant cependant de se dire que c’est cette œuvre qui a été retenue pour l’affiche : on est un peu éloigné de l’angoisse des premières œuvres présentées. J’ai quand même souri devant toutes les représentations de squelettes, c’est un peu ma passion tout ça. Le crâne aux yeux exorbités de Julien-Adolphe Duvocelle m’a semblé bien sympathique 😉
Dans la dernière partie de l’exposition, on passe au XXème siècle avec les surréalistes et à une interprétation plus lointaine du romantisme noir. Les œuvres sont fortes, bien choisies, mais je reste un peu sur ma faim car l’ensemble est très disparate. Cette section ouvre une fenêtre qui mériterait presque d’avoir sa propre expo finalement ! Là, le lien est un peu trop ténu et surtout on ne nous en dit pas assez. Difficile de vraiment saisir en quoi on se rattache au romantisme noir.
Pour la muséographie en elle-même, rien de dingue : on retrouve le schéma traditionnel de l’espace d’exposition du musée d’Orsay, efficace et clair. La richesse de l’exposition, c’est justement la variété des œuvres présentées : peintures, gravures, extraits cinématographiques, sculptures. Toujours agréable de voir une expo qui tisse le lien entre les différents arts ! Niveau ciné notamment, je n’y connais pas grand-chose, j’ai découvert le Frankenstein de James Whales (je regarderais peut-être un jour si j’arrive à vaincre ma tendance à m’endormir devant les films en noir&blanc… ahem…)! Les textes sont plutôt bien fichus, on comprend bien le parcours et on cerne correctement les enjeux de chaque section, même si leurs liens entre elles sont plus compliqués. Bon, bien sûr on illustre avant tout les thématiques du romantisme noir sans vraiment entrer dans le cœur du mouvement, mais ça reste une très belle exposition (de si beaux tableaux…). J’ai été incapable de résister au catalogue de l’exposition en sortant, bien entendu… donc j’espère en apprendre un peu plus sur tout ça ! 😉
L’exposition a été prolongée jusqu’au 23 juin, dépêchez-vous d’y aller ! Elle vaut vraiment le coup d’œil, ne serais ce que pour la qualité des œuvres présentées.
L’ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst
Musée d’Orsay – 62, rue de Lille – 75007 Paris
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2 comments
Ça avait l’air sublime!
Franchement ça l’était, une des plus belles expos que j’ai pu voir à Orsay !