Après un détour par le Théâtre de Varsovie début décembre, Christophe Honoré poursuit la tournée française de son nouveau spectacle Fin de l’Histoire. Cette semaine, il est à Toulouse au TNT où je me suis rendu ce week-end.
Un succès contrasté
Premier constat : Fin de l’Histoire ne fait pas l’unanimité auprès du public. Le théâtre n’était rempli qu’aux deux tiers et plusieurs couples de spectateurs se sont levés et ont quitté la salle en cours de représentation. A dire la vérité, le spectacle semble parfois partir un peu dans tous les sens et, entre des scènes géniales, il y a quelques moments de flottement où l’on est tenté de se demander « Mais de quoi il parle ? »
Un sujet complexe
Christophe Honoré s’est emparé de textes parcellaires et inachevés de Witold Gombrowicz, notamment de sa pièce L’Histoire et de pages de son journal. Puis, il a comblé les lacunes pour en faire une œuvre personnelle qui questionne notre rapport à l’Histoire (celle avec un grand H) et nos idéaux. Pour cela, il convoque les figures des grands théoriciens de la « fin de l’Histoire » : Hegel, Kojeve, Fukuyama, Marx, Derrida et Bourgeois dont il fait dialoguer les concepts.
Si la pièce commence au premier abord comme un récit théâtral traditionnel (l’attente de la famille Gombro dans une gare polonaise, car le jeune héros Witold doit se rendre en Argentine pour présenter son livre), elle bascule rapidement et se transforme tour à tour en conférence philosophique, en cours de danse, en reconstitution délirante des accords de Yalta… Au milieu de ce joyeux bordel, la figure de Witold s’interroge sur son rapport au monde et tente de retrouver un semblant d’équilibre amoureux entre sa petite amie Krysia et le fils de la concierge (je vous avais prévenu, ce n’est pas piqué des hannetons !).
Des moments de bravoure
En ce qui me concerne, je retiens particulièrement deux scènes de ce spectacle :
– D’abord, le cours de danse que Witold reçoit de sa sœur (incarnée par la géniale Marlène Saldana), qui vire au délire chorégraphique où sont convoquées les figures de Béjart, Pina Bausch et Michael Jackson entre deux références religieuses très irrévérencieuses ! Un pur délice visuel et pour les zygomatiques !
– Ensuite, la reconstitution fictionnelle de Yalta 39 réunissant les grandes puissances européennes : Staline (toujours la formidable Marlène Saldana, mais cette fois avec une moustache façon Francis Cabrel), Hitler, Mussolini, mais aussi les représentants de la France et de l’Angleterre grimés en autruches. C’est parti pour un partage de l’Europe sur le ton du Café du commerce, là aussi très drôle mais très cynique. J’ai particulièrement été touché au moment où Marlène Saldana (toujours la même) rappelle ce que l’Histoire et les Arts doivent à la deuxième guerre mondiale (de Picasso à Polanski, de Primo Levi à Robert Antelme, ou encore des Maisons de la Culture aux Editions de Minuit) comme s’il fallait dire merci aux fascistes et aux nazis pour cet accélérateur de la pensée qu’ont été la guerre et la Shoah… Moment de malaise où l’on rit jaune.
En bref
Il faut aller voir ce spectacle pour s’en faire vraiment une idée… A relire mon article, il ne me paraît pas beaucoup plus cohérent que le spectacle que j’ai vu, et c’est peut-être ce que l’on peut regretter dans Fin de l’Histoire ! Malgré tout, plusieurs discours très forts parviennent à se dégager de cette polyphonie confuse, même s’ils ne sont pas toujours bien audibles.
Le spectacle reste au TNT jusqu’au 17 décembre, puis sera en 2016 à Valence, Nantes, Créteil et Nice. Alors, irez-vous au théâtre voir Fin de l’Histoire ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.