Connaissez-vous la photographe toulousaine Germaine Chaumel ? Née à la fin du XIXe siècle (en 1895), elle a immortalisé pendant toute sa carrière la ville rose et les grands événements du XXe siècle. Ce ne sont pas loin de 18 000 clichés qui ont été laissés aux Archives municipales de Toulouse lorsqu’elle a cessé la photographie vers 60 ans. Pour notre plus grand bonheur, des expositions sont occasionnellement consacrées à cette artiste hors normes, comme celle qui a lieu actuellement au lycée Raymond Naves. Hélène Pasteau, professeure documentaliste, et Séverine Castex, professeure de français-histoire-géographie, ont pris l’initiative d’organiser cette expo pour remettre en lumière Germaine Chaumel, injustement méconnue de la plupart des Toulousains.
Lundi dernier, nous nous sommes rendus au vernissage de cette exposition, en présence de Ghislaine Alary, proviseure du lycée, et Pilar Martinez Chaumel, petite-fille de l’artiste.
L’héritage photographique de Germaine Chaumel
Je dois confesser ma grande ignorance : je ne connaissais pas Germaine Chaumel. Comme beaucoup de Toulousains, j’ai souvent vu des photos de Jean Dieuzaide – autre grande figure de la photo toulousaine – mais Germaine Chaumel était passée entre les mailles de mon filet. Il faut dire que (comme nous l’a expliqué sa petite-fille Pilar Martinez Chaumel) la photographe n’a jamais cherché à être célèbre. Elle photographiait par passion et par profession, sans pour autant vouloir être reconnue pour son art. Et puis il faut aussi ajouter que c’était une femme… et comme souvent, la postérité a préféré conserver la mémoire des grands hommes plutôt que celle des grandes femmes.
Pourtant, Jean Dieuzaide et Germaine Chaumel se côtoyaient. Ils faisaient tous deux partie du Cercle photographique des XII, un club qu’elle a elle-même fondé en 1936 et qui réunissait les 12 meilleurs photographes de Toulouse (jamais plus, en référence aux 12 extrémités de la Croix Occitane, emblème toulousain). C’est elle, en tant que première secrétaire, qui a permis à Jean Dieuzaide d’intégrer le club, puis de rencontrer le succès qu’on lui connaît.
Une femme aux mille visages
Germaine Chaumel fut adoptée en 1918 par un couple féru d’arts : Jean Léon Sevelliac et Marguerite Bent. Son père adoptif était passionné de peinture, sa mère était pianiste et son oncle, Antonin Provost, photographe. La voie artistique était donc, dans une certaine mesure, ouverte à elle. Elle étudia le chant et le piano au lycée Saint-Sernin. N’osant pas s’opposer à ses parents qui arrangèrent son mariage, elle se maria par convenance en 1919 à un médecin militaire, issu lui aussi de la bourgeoisie, avec qui elle eut un fils en 1922. Après quatre ans de mariage, elle divorça et se remaria en 1923 avec Charles Chaumel avec qui elle eut en 1925 une fille qui deviendra son modèle principal.
Avant et pendant la Deuxième guerre mondiale, elle réalisa de nombreuses photographies de Toulouse. Elle couvrit l’arrivée des réfugiés espagnols en 1938, les débuts de la « drôle de guerre » en 1939, ainsi que les privations et le froid, documentant le quotidien des Toulousains pendant cette période. Dans les années 40, elle fut accréditée pour couvrir les deux voyages du Maréchal Pétain à Toulouse et elle photographia la foule en liesse et les enfants des écoles toujours postés sur son trajet. En 1942, l’une de ses rares « photos volées » fut celles de deux soldats allemands en faction sur la Place du Capitole, ce qui était rigoureusement interdit.
Le 19 août 1944, alors que les Allemands savaient que la défaite était imminente, elle n’hésita pas à saisir son appareil pour capturer ces instants. Par la suite, elle fut l’une des très rares photographes autorisée également à photographier le Général de Gaulle lors de sa visite à Toulouse, à la libération. À aucun moment elle ne photographia le sang, la souffrance ou la violence physique. Le regard qu’elle porta sur ses contemporains fut toujours empreint d’humanisme.
Dans l’exposition qui lui est dédiée au lycée Raymond Naves, on découvre entre autres des portraits de Bohémiennes ou bien le bidonville du quartier Bourrassol en 1939. J’ai adoré redécouvrir le Toulouse de l’ancien temps : le Monoprix de la rue Alsace-Lorraine, une file d’attente devant le Théâtre du Capitole, un bateau-lavoir du quai de la Daurade… ainsi que les portraits de personnalités qui visitèrent Toulouse : Joséphine Baker sur un marché, Louis Jouvet en gare de Matabiau, ou Alfred Nakache, tout en sourire, sortant d’une piscine.
Mais au cours de sa vie, Germaine Chaumel n’a pas touché qu’à la photographie. En 1925, elle devint artiste lyrique sous le nom de scène d’Anny Morgan. Durant cette période, elle fut plusieurs fois première chanteuse d’opérette pour le Théâtre du Capitole de Toulouse. Elle interpréta notamment Manon dans Les Saltimbanques, Marguerite dans Faust, mais joua aussi dans L’Auberge du Cheval-Blanc, La Fille de madame Angot et Lakmé. Elle arrêta sa carrière lyrique en 1933.
À partir de 1950, elle changera une nouvelle fois de carrière, abandonnant la photographie au profit d’une autre passion : les chapeaux et le dessin de mode. Une vraie touche-à-tout !
Quelle fabuleuse idée que cette exposition ! Je suis ravi d’avoir pu découvrir cette grande artiste que je suis maintenant avide de connaître encore davantage. Quand on sait qu’elle a laissé 18 000 clichés, ça laisse rêveur : on n’a pas fini d’organiser des expositions thématiques autour de son travail.
L’exposition consacrée à Germaine Chaumel au lycée Raymond Naves est encore visible jusqu’au 5 avril. Un événement à ne pas manquer, cela va de soi !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
1 comment
Je découvre totalement cette artiste grâce à ton article, merci beaucoup !