Depuis 2 semaines, la Comédie-Française a posé ses valises à Toulouse pour une série de représentations d’Hécube, pas Hécube, la nouvelle pièce de Tiago Rodrigues qui a beaucoup fait parler cet été en Avignon. Nous avons tellement aimé ses pièces précédentes que, forcément, nous ne pouvions pas manquer d’aller voir cette nouvelle création, inspirée d’une célèbre tragédie d’Euripide.
Hécube, pas Hécube : un spectacle entre tragédie antique et drame contemporain
Dans sa nouvelle pièce, Tiago Rodrigues mêle la tragédie grecque d’Euripide et un récit actuel pour interroger les dysfonctionnements contemporains. La troupe de la Comédie-Française s’est mise à son service pour donner vie à cette confrontation entre le mythe d’Hécube (reine de Troie) et le combat judiciaire de Nadia, une comédienne avec laquelle Tiago Rodrigues avait collaboré il y a quelques années sur la pièce Dans la mesure de l’impossible.
Comme Nadia, Hécube est une reine qui, ayant tout perdu, réclame justice. Elsa Lepoivre, dans le rôle principal, impressionne par une interprétation fascinante, entre majesté et déchirure, qui prend de plus en plus d’épaisseur au fil de la représentation. Dommage néanmoins que l’utilisation de micros crée un petit écho qui met légèrement l’émotion à distance dans certaines scènes.
Tiago Rodrigues et la Comédie-Française : deux valeurs sûres ?
La superposition des deux récits est très bien orchestrée. Comme les pièces d’un puzzle, les différents motifs s’imbriquent peu à peu et les comédiens parviennent parfaitement à passer d’un niveau de récit à l’autre, aidés par une bande-son et un éclairage qui soulignent parfois un peu trop le procédé. Disons-le : on a connu Tiago Rodrigues plus subtil.
La fable sociale et le mythe dialoguent efficacement et donnent lieu à une mise en scène parfois un peu trop didactique, mais qui sied parfaitement au grand public, notamment aux moins avertis. La pièce est soutenue par la musique d’Otis Redding, un véritable bonbon pour les esgourdes. Forcément, ça embarque.
La démarche sociale du spectacle fait mouche. Par son intensité, l’interprétation d’Elsa Lepoivre résonne profondément. Denis Podalydès – à la fois Agamemnon antique et procureur contemporain – est également magistral. Pour ma part, j’ai aussi beaucoup apprécié les performances de Séphora Pondi et Gaël Kamilindi, deux pensionnaires de la Comédie-Française parmi les plus bouleversants et qui nous rappellent qu’au théâtre, il n’y a jamais d’acteur qui soit secondaire. J’ai toujours trouvé que c’était dans ces rôles-là que l’on reconnaissait les grands interprètes et ces deux-là en sont la parfaite démonstration.
Il ne vous reste plus que deux soirs pour découvrir Hécube, pas Hécube (aujourd’hui et demain) avant que le spectacle ne reparte sur les routes pour continuer sa tournée. Ne le manquez pas !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.