À noter dans vos agendas de toute urgence : l’expo Hyperréalisme – Ceci n’est pas un corps fait escale à Lyon jusqu’en juin ! Je vous ai déjà parlé avec enthousiasme de cette expo lorsqu’elle était présentée à Bruxelles lors de l’été 2021 et son succès n’est pas démenti.
Hyperréalisme, kézako ?
Apparu dans les années 1960 aux USA, l’hyperréalisme est une technique qui relève de l’art contemporain. Les artistes d’aujourd’hui prolongent les gestes millénaires des artistes et des sculpteurs du passé pour représenter les personnages le plus fidèlement possible par rapport à l’original. Certains modèles vont par exemple offrir leurs cheveux pour que ces derniers soient utilisés dans la copie.
Le rapport entre la réalité et la copie est totalement brouillé et ébranle toutes nos certitudes.
D’ailleurs, le titre de l’expo « Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps » est directement inspiré du nom d’un célèbre tableau de Magritte « Ceci n’est pas une pipe » qui interrogeait déjà le rapport entre la réalité (une véritable pipe) et sa reproduction artistique (l’image peinte d’une pipe). Le prolongement de cette réflexion dans le domaine de la sculpture est vraiment à couper le souffle.
Le but d’une œuvre n’est pas qu’elle soit jolie mais qu’elle soit porteuse de sens.
Duane Hanson
Une entrée en matière qui ébranle
Dès notre entrée dans l’exposition, nous avons été ébranlés par la statue de Caroline, signée Daniel Firman. Caroline, appuyée face contre le mur, semble regarder derrière la cloison. L’illusion est parfaite : nous avons pensé qu’il y avait un orifice dans le mur et qu’une vraie jeune fille (visiteuse comme nous) regardait quelque chose situé derrière ce trou. Nous attendions notre tour, mais la jeune fille ne bougeait pas… C’est seulement après une longue minute que nous avons compris qu’il ne s’agissait en fait pas d’une visiteuse mais bien d’une première statue hyperréaliste ! Le ton était donné !
Hyperréalisme monochrome
Un peu plus loin dans l’exposition, on peut découvrir le travail de Fabien Mérelle, un artiste français qui présente des œuvres à la fois hyperréalistes dans la fidélité des formes et en même temps qui revendiquent leur artificialité par des choix de couleurs qui ne laissent pas de place au doute (par exemple, l’aspect du bois au lieu de la chair ou du tissus).
Un peu plus loin, le sculpteur Fabio Viale nous rend totalement dingues ! Prenons par exemple l’image ci-dessous : Venere Italica. D’après vous, en quelle matière la statue est-elle réalisée ?
Vous pensez voir du polystyrène ? Eh bien je vous assure que même avec le nez à un centimètre de la statue, on a l’impression que ça en est… Eh bien détrompez-vous, c’est bien un buste en marbre dans la grande tradition ! Pour réaliser cette sculpture, Fabio Viale en employé du marbre blanc tout en imitant les reliefs du polystyrène, imitant lui-même un buste en marbre blanc traditionnel qui représenterait de manière réaliste une jeune femme… Il y a de quoi devenir fou !
Les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail.
Léonard de Vinci
Une représentation hyperréaliste des âges
Vient ensuite une partie très émouvante de l’exposition, qui présente plusieurs sujets (masculins et féminins) à des âges différents de la vie. Woman and Child de Sam Jinks (2010) est un pur bijou dans le genre. Une vieille femme (grandeur nature) tient contre elle un nouveau-né. Croiriez-vous que les personnages sur la photo ci-dessous ne sont pas humains ? C’est encore plus impressionnant à découvrir en vrai. Peut-on rester insensible à un tel chef-d’œuvre ?
D’autres artistes vont s’amuser avec les proportions tout en conservant leur exigence d’hyperréalisme, comme Kazu Hiro le fait avec le buste d’Andy Warhol. On peut voir le moindre pore de sa peau et son duvet… Valter Adam Cassoto imagine quant à lui une main géante dont on peut voir chaque sillon jusqu’aux empreintes digitales ; et Sam Jinks inverse le processus en nous faisant voir une femme à genoux mais miniaturisée, ce qui est très déstabilisant.
L’hyperréalisme versus la réalité
En fin d’exposition, on peut découvrir des créatures et des mises en scène plus étonnantes. Après les changement d’échelles, voici venir les situations invraisemblables comme un homme en pleine chute (ou en lévitation ?) ou encore des créatures à la fois chimériques et mignonnes.
«Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps » est à voir à Lyon jusqu’au 6 juin 2022 à La Sucrière. Je mets ma main à couper que vous en sortirez subjugués !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.