Hier soir, j’ai eu la chance d’être invité à découvrir invisibili, nouveau spectacle d’Aurélien Bory qui est à l’affiche du Théâtre de la Cité jusqu’à samedi. L’art peut-il rendre compte de l’angoisse face à la mort ? Dans sa dernière création, le nouveau directeur du Théâtre Garonne (dont nous avions apprécié les spectacles Dafné en 2023 et Espaece en 2016) réunit des disciplines artistiques pour proposer une réflexion touchante sur ce sujet universel. Ce spectacle s’appuie sur Le Triomphe de la Mort, une fresque du XVe siècle anonyme, pour convoquer des images fortes, percutantes et modernes.
invisibili : danser la vie et apprendre à mourir
Le plateau est d’emblée impressionnant : à jardin, le multi-instrumentiste Gianni Gebbia crée une ambiance sonore tourmentée avec son orgue et ses saxophones, tandis qu’un grand rectangle noir au centre attire l’attention. Lorsqu’il se dresse, il dévoile la reproduction du Triomphe de la Mort, toile qui devient un acteur central du spectacle. Sur scène, le chanteur Chris Obehi et quatre danseuses incarnent les épreuves contemporaines associées à la mort : le cancer, la guerre, la vieillesse et la migration périlleuse sur la mer Méditerranée.
La chorégraphie de Bory joue avec les registres. Les danseuses, telles des Parques modernes, livrent des performances qui oscillent entre scènes tragiques et comiques. Le spectacle se veut ballet suspendu avec la Mort (l’ambiance pourrait être sinistre…) mais un soudain dialogue en italien entre les personnages du tableau apporte une légèreté inattendue. La toile mouvante devient à la fois vague, drap, linceul et symbole de la mort omniprésente, engloutissant littéralement les danseurs.
Une danse macabre
La présence des voiles et de la caméra GoPro, souvent accessoires inutiles dans d’autres spectacles, trouve ici une pertinence rare. Toutefois, certaines interventions, comme l’interprétation de l’Alleluia de Leonard Cohen, manquent de subtilité et font un peu l’effet d’un cheveu sur la soupe. De même, les scènes de migrants semblent trop appuyées, perdant en émotion ce qu’elles gagnent en message. Plus abstraite, la pièce Brise-lames de Damien Jalet qui aborde le même thème (et dont je vous avais parlé ici) m’avait semblée plus marquante.
Inspirée par la fresque du Palais Sclafani de Palerme, cette œuvre rappelle que la mort est une réalité inévitable, qui transcende âges et statuts. Comme le dit Aurélien Bory lui-même : « J’ai cherché à donner vie au plateau à de grands fléaux contemporains. » Pas de doute, son message est limpide.
Ce spectacle parfois captivant place la danse macabre dans un contexte contemporain saisissant. Ce beau spectacle est à découvrir jusqu’à samedi. Si vous n’avez pas encore votre billet, n’attendez pas et foncez !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.