J’accuse. Un verbe qui vous fait immédiatement penser à Émile Zola. Et en effet, il y a un peu de ça dans l’écriture d’Annick Lefebvre. Et peut-être même des échos d’Olympe de Gouges. Car sa pièce J’accuse est un pamphlet. Cinq prises de parole au féminin pour dénoncer, pour faire entendre l’état de la société française contemporaine.
J’accuse, une adaptation française
Annick Lefebvre avait déjà écrit une version québécoise de sa pièce J’accuse en 2015. Lorsque le metteur en scène Sébastien Bournac l’a découverte, la pièce a trouvé un écho avec ses propres aspirations artistiques. Ainsi est née la commande d’une version française (alors même que la dramaturge œuvrait aussi pour une adaptation en Belgique).
Ce ne sont pas que le lexique et les tournures de phrases qui changent du québécois au français, ce sont aussi les références culturelles et l’ancrage dans l’actualité. Ainsi croise-t-on au détour de ces cinq récits le ténébreux Nikos Aliagas et entend-on quelques notes de Clara Luciani, Joséphine Baker… et Céline Dion !
Cinq prises de parole constituent cette œuvre coup de poing. Cinq femmes de toutes origines qui se définissent tantôt par leur travail, tantôt par leur relation aux autres. Cinq respirations, cinq souffles garants de la survie de ces femmes.
Sébastien Bournac
L’écriture d’Annick Lefebvre est ciselée, les phrases forment presque des virelangues astucieux et périlleux. C’est un tour de force pour les cinq comédiennes de s’emparer de ce texte dense, puissant et retors. L’interprétation est impressionnante.
Portrait de cinq citoyennes d’aujourd’hui
On retrouve formellement dans J’accuse la signature scénique de Sébastien Bournac : le goût du monologue, celui du discours adressé directement au public, celui d’un décor non réaliste. On pense bien sûr au seul en scène À vie qu’il avait créé en 2021, mais aussi à J’espère qu’on se souviendra de moi en 2016 qui prenait déjà la forme de témoignages successifs. Cette fois, c’est aux femmes qu’il donne la parole.
Je voudrais que J’accuse (version française) ait la force d’un manifeste politique et l’humanité d’une confession intime. […] Chacune de ces femmes avec son urgence nous plongera dans une existence, avec tous les combats qui y sont menés, aussi intimes soient-ils. Avec détermination, elles combattent les préjugés, démontent les a priori, et, surtout, condamnent toutes pensées simplificatrices qui ne s’attachent qu’au paraître.
Sébastien Bournac
Homme ou femme, on se reconnaît nécessairement dans ces témoignages, même si ces problématiques prennent une tout autre ampleur quand ils sont dits au féminin : une aide-soignante à domicile, une cheffe d’entreprise, une bibliothécaire, une fan de Céline Dion (c’était Isabelle Boulay dans la version québécoise et Lara Fabian dans la version belge) et une auteure contemporaine qui aurait pu être Annick Lefebvre herself. Les portraits-témoignages auraient pu encore être plus nombreux, mais ces 5 monologues permettent suffisamment de variations, de changements de style pour remplir d’émotions les 2h30 du spectacle.
Si vous souhaitez découvrir ces textes, la pièce J’accuse (coproduite par le Théâtre Sorano) est à voir au Théâtre de la Cité jusqu’au 24 mars 2022.
photo de couverture © S. Bournac
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
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Merci pour ce bel article !!!! ça donne envie !!!