Cette semaine, Joyce DiDonato a donné un très beau concert à la Halle aux Grains de Toulouse. Invitée par les Grands Interprètes, elle a placé la soirée sous le signe de la nature en interprétant les airs de son album Eden. Retour sur ce beau concert !
La méditation poétique et lyrique de Joyce DiDonato
J’ai immédiatement été aspiré dans l’univers que Joyce DiDonato crée dans ce concert. Le spectacle Eden s’ouvre sur une pièce symphonique de Charles Ives, The Unanswered Question, composée en 1908. Dans les premiers instants, la musique est jouée par l’ensemble Il Pomo d’Oro dans une obscurité presque totale et seule la silhouette du chef d’orchestre Maxim Emelyanychev se devine. Après un prologue instrumental, on entend soudainement les vocalises de Joyce DiDonato sans bien savoir où elle se trouve. Est-elle derrière nous ? Au-dessus ? Impossible à localiser, elle semble partout à la fois, comme le murmure d’un furtif qui chuchote à notre oreille sans que jamais on ne puisse le voir. Sans le savoir, nous sommes en train d’assister à la naissance du monde.
Tout le spectacle est ensuite écrit comme un récit de genèse. On assiste au premier matin du monde (The First Morning of the World, composé par Rachel Portman) puis on voit défiler tous les instants de la journée jusqu’à son crépuscule (Rückert-Lieder : III. “Ich bin der Welt abhanden gekommen” de Gustav Mahler). Joyce DiDonato, entre une matinée et un coucher de soleil, nous fait revivre toute l’histoire du monde ainsi que 400 ans de musique classique.
Pour ce programme, elle a choisi des compositeurs qui lui tenaient à cœur et qui, à toutes les époques, ont été inspirés par la nature. Son concert est donc un parfait hommage à la beauté du monde et aux forces de la vie.
Un hommage à Pachamama
Pendant la dernière partie du concert, Joyce DiDonato nous a fait l’honneur de belles paroles en français afin de développer son propos. Son envie de chanter Eden est née de son amour pour la nature, comme un besoin de rendre à sa façon un hommage à la grande Pachamama. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’instar de nombreux artistes engagés pour l’écologie, Joyce DiDonato chante pieds nus. Tout dans la mise en scène de Marie Lambert-Le Bihan et les lumières de John Torres nous rappelle la grandeur et la beauté du monde et de la nature.
Le talent artistique époustouflant et joyeux de Joyce DiDonato nous rappelle que dans toute génération, il y a quelques géants. Joyce n’est pas seulement une grande artiste courageuse et inspirante – l’une des meilleures chanteuses de notre temps – mais elle est aussi une présence transformatrice dans les arts. Ceux qui connaissent son répertoire sont en admiration devant ses dons, et ceux qui n’en connaissent rien sont instantanément séduits. Joyce chante et le monde est soudainement plus lumineux. Elle nous oblige à écouter activement, à entendre les choses à nouveau.
J. Heggie – Gramophone
L’ensemble baroque Il Pomo d’Oro, que j’avais déjà eu l’occasion d’entendre aux côtés du contreténor Jakub Józef Orliński, est un ravissement d’un bout à l’autre du concert. En guise de rappel, Joyce DiDonato et l’orchetsre ont interprété Ombra mai fu de Händel, un véritable moment suspendu !
Joyce DiDonato a également invité sur scène le chœur d’enfants Éclats (dirigé par François Terrieux), ce qui a donné à la fin de la soirée un petit air de kermesse très sympathique, en harmonie avec son discours sur le respect de la nature et la foi en l’avenir.
Pour ce dernier concert de la saison 2022-2023, les Grands Interprètes ont une fois encore mis la barre très haut. Vivement la saison prochaine, qui s’annonce elle aussi très enthousiasmante et dont je vous parlerai très rapidement dans un prochain article !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.