J’ai vu hier soir le dernier spectacle de ma saison théâtrale. Il s’agit de la pièce Là par la compagnie Baro d’Evel programmé au Théâtre Garonne, spectacle au confluent du théâtre, de la danse, du concert, du cirque et des arts visuels. On ne pouvait pas rêver mieux pour finir l’année sur le plan culturel !
Là, pièce en blanc et noir pour deux humains et un corbeau pie
Baro d’Evel, c’est un duo d’artistes circassiens qui touchent à tout et le font avec un talent incroyable. L’une s’appelle Camille Decourtye, pas-si-fragile dans sa petite robe noire ; l’autre s’appelle Blaï Mateu Trias, dégingandé et maladroit en costume noir et chemise blanche. Sur la scène de Là, ils sont accompagnés par Gus, un corbeau pie remarquablement intelligent et drôle dont le plumage blanc et noir fait écho aux costumes de ses partenaires humains.
Gus sent tout. Bien souvent il sait avant nous dans quel état émotionnel nous nous trouvons. Il est en permanence dans la perception de ce que dégagent nos propres corps. Travailler à ses côtés place directement le curseur sur le ressenti. Savoir évoluer ensemble sur le plateau est avant tout une histoire d’état. Lui ne fabrique pas d’émotions, il est en réaction à l’ici et maintenant, c’est cette justesse-là que nous recherchons à ses côtés, c’est un mélange de maîtrise et d’abandon.
Baro d’Evel
Une folie et un déséquilibre millimétrés
Ce que j’ai adoré dans ce spectacle, c’est que tout semble en permanence livré au hasard. Les textes ont l’air improvisé, le décor évolue sous l’impulsion des comédiens qui le souillent, même les chants paraissent spontanés, et on a l’impression que les réactions de l’animal pourraient à tout moment déstabiliser le spectacle… Et pourtant, rien n’y fait : dans ce déséquilibre permanent, Baro d’Evel trouve l’harmonie et fait vibrer une émotion fragile comme j’aime en ressentir au théâtre.
Les deux interprètes excellent dans tous les domaines artistiques et donnent à voir un spectacle total, qui convoque également toutes les émotions. Gus n’est évidemment pas étranger aux rires que l’on entend dans la salle, mais les deux humains faussement maladroits qui l’accompagnent savent manipuler notre curseur émotionnel pour faire basculer un instant de rire en moment poignant.
Cela faisait quelques années que j’entendais parler de Baro d’Evel sans avoir pu trouver l’occasion de voir leur travail. Maintenant que c’est chose faite, je comprends mieux l’enthousiasme de toutes les personnes qui m’en avaient fait l’éloge. Je sais à mon tour désormais que lorsque je verrai leur nom dans une programmation de théâtre, je foncerai sans hésiter.
Si vous ne connaissez pas encore ce duo, le spectacle est encore à l’affiche ce soir et demain soir à 20h30 au Théâtre Garonne. Courez-y, vous ne le regretterez pas !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Ah bah je vois qu’ils se cradent dans tous leurs spectacles
Oui ! Mais en négatif si je puis dire… “Là” était Noir sur Blanc, alors que “Falaise” c’est Blanc sur Noir 😉