Depuis quelques années, les cinémas se sont mis à la retransmission de pièces classiques de l’opéra ou de la danse. Ces opérations, vous en avez peut-être entendu parler sous les noms de Viva l’Opéra ! ou All’Opera. Je n’avais jamais assisté à ce type de projection. Depuis le 19 avril, c’est chose faite !
En effet, je suis allé All’Opera voir la retransmission en différé de La Bayadère, ballet qui était joué à Saint-Pétersbourg au théâtre Mariinsky. Pour dire les choses de but en blanc, je n’ai vraiment pas été convaincu !
Pourtant, La Bayadère est un ballet splendide, considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du chorégraphe français Marius Petipa. Le spectacle vous transporte dans une Inde intemporelle et vous conte les amours contrariées du grand guerrier Solor et d’une bayadère (c’est-à-dire une servante sacrée au service d’une divinité hindoue).
En résumé : Solor doit épouser une belle princesse mais tombe éperdument amoureux d’une jeune fille du temple qui doit danser lors de ses noces. La fiancée se rend compte des sentiments de son promis pour la danseuse et fait offrir à cette dernière une corbeille de fleurs qui cache un cobra. La bayadère est mordue et meurt. Dans le dernier tiers du ballet, Solor, en proie aux remords, ne parvient à oublier son premier amour et dans un sommeil d’opium rejoint sa bien-aimée dans le Royaume des Ombres.
Le ballet est rythmé par la musique de Léon Minkus qui, il faut le dire, est assez peu mémorable (voire carrément indigeste pour certains tableaux, de l’ordre de la valse viennoise pour vous donner une idée…). D’ailleurs, ce ballet ne contient aucun thème vraiment connu. Bref, on est très loin du Lac des Cygnes de Tchaïkovski, dont Petipa signa la chorégraphie vingt ans plus tard.
La mise en scène proposée au Théâtre Mariinsky manquait cruellement de modernité ! Je ne parle pas des chorégraphies bien sûr, qui étaient parfois splendides, mais des décors en carton et des costumes couverts de strass… Quel mauvais goût ! On avait l’impression que la scénographie avait fait un bon de cent ans en arrière ! Cela semblait malgré tout au goût du public russe qui applaudissait à tout va et au rythme de la musique de Minkus… Mais les Russes et le bon goût sont-ils compatibles ?
La captation en elle-même était de qualité assez médiocre. L’image manquait de netteté dès que les danseurs faisaient preuve de rapidité, c’est-à-dire quasiment tout le temps… Il faudrait songer à dire aux équipes techniques d’investir dans de la très haute définition, pour ce genre de projet ça ne serait pas du luxe !
Je retiendrai néanmoins trois tableaux sublimes dans ce spectacle : primo, la Danse de l’idole dorée lors de l’Acte II, où un danseur grimé en dieu Shiva s’élance dans les airs à plusieurs reprises et à un rythme effréné, les bras en position du lotus, tel un hiéroglyphe vivant ! Ensuite, la danse désespérée de la Bayadère lors des noces de Solor, au son des violons, où l’Etoile Viktoria Tereshkina a définitivement prouvé qu’elle était la seule danseuse de caractère dans cette distribution. Enfin, l’entrée des trente-deux ballerines au début du dernier acte, comme autant de bayadères dupliquées au kaléidoscope du chagrin de Solor… Hypnotisant !
En bref, je ne pense pas renouveler l’expérience All’Opera ni la conseiller à qui que ce soit ! Pour avoir vu de nombreux ballets et opéras en live, la retransmission au cinéma ne fait clairement pas le poids !
Et vous, avez-vous déjà tenté l’expérience ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.