On m’a récemment offert le dernier livre de Michel Onfray, La danse des simulacres – Une philosophie du goût, un ouvrage qui ne compte pas moins de 1405 pages. Soyons clairs, ce livre n’est pas vraiment un bloc qui doit se lire in extenso : il s’agit plutôt d’une compilation des essais que le philosophe a consacré aux arts, en particulier aux artistes contemporains. Les neuf-cents premières pages sont consacrées aux arts qui s’adressent à la vue et l’ouïe (peinture, photographie, musique), les cinq-cents suivantes s’adressent aux autres sens (toucher, goût, olfaction).
[…] on ignore que Michel Onfray a publié une dizaine de recueils de poésie et une vingtaine de livres consacrés à l’art en général ou à célébrer l’oeuvre d’un certain nombre d’artistes contemporains – entre autres, les peintres Jacques Pasquier et Vladimir Veličković, Ernest Pinon-Ernest et Valerio Adami, Robert Combas, Gérard Garouste et Gilles Aillaud, les photographes Willy Ronis et Bettina Rheims, le sculpteur Pollès, les compositeurs Pascal Dusapin et Eric Tanguy, mais aussi des artistes des sens oubliés, le goût et l’odorat, que sont les cuisiniers, les viticulteurs et les oenologues – Charles Fourier parlait à leur propos de gastrosophie.
La danse des simulacres (quatrième de couverture)
Tout au long des centaines de pages de ce recueil, Onfray enfonce les portes ouvertes. Par exemple, il nous rappelle sans cesse que l’on n’a pas encore assez de recul sur l’art contemporain pour distinguer les croûtes des chef-d’oeuvres, car seule la postérité peut séparer le bon grain de l’ivraie. Cela explique pourquoi, dans un musée d’art contemporain, on est souvent démunis devant des oeuvres absconses ou dépourvues de sens… Et que dire de notre désarroi lorsque l’on se met en quête de trouver simplement quelque chose de beau ? L’on tombe également des nues lorsque l’on entend aux informations les records sans cesse battus sur le marché de l’art par tel ou tel artiste qui s’est contenté (bien souvent) de chier dans une boîte ou d’installer des sex-toys dans des lieux chargés d’histoire…
Mais comme il est déconseillé de jeter le bébé avec l’eau du bain, Onfray nous propose sa méthode pour faire la part des choses et sauver quelques artistes dans la masse des charlatans et des spéculateurs (voir en particulier le chapitre Archéologie du présent – Manifeste pour une esthétique cynique, pp. 593-653)… En somme, il concracre de trop nombreuses pages à redire avec un ton sérieux et professoral ce qu’Alex Vizorek avait déjà résumé avec humour en 40 minutes dans son spectacle Alex Vizorek est une oeuvre d’art.
Je dois dire que, parmi les artistes qu’il sauve dans La danse des simulacres, quelques uns avaient déjà mon suffrage. Parmi eux, Ernest Pignon-Ernest dans le chapitre Les icônes païennes (pp. 223-251).
La deuxième partie du recueil “Sentir, goûter, toucher” est un peu plus originale, mais là encore tout en m’a pas captivé. Dans Le Ventre des philosophes – Critique de la raison diététique (pp. 937-1036), Onfray nous énumère les préférences culinaires des grands noms de la philosophie, de Diogène à Sartre, en passant par Nietzsche et Rousseau. Franchement, savoir ce que mangeait Kant, je m’en tamponne un peu le coquillard… En revanche, La Raison gourmande – Philosophie du goût qui fait suite à ce chapitre (pp. 1043- 1216) est plus intéressante car l’auteur narre des biographies peu connues, comme celles de Dom Pérignon (inventeur du champagne) ou de Grimod de La Reynière (père de la critique culinaire) pour ne citer qu’eux. A chaque chapitre, Onfray déchiffre les enjeux philosophiques qui sous-tendent ces vies tournées vers la gastronomie et leurs inventions culinaires. Original et instructif !
Bref, Onfray impressionne par la quantité écrite et imprimée. Pour le contenu, on aurait pu faire plus efficace et moins répétitif. Et vous, avez-vous déjà lu des essais de Michel Onfray ? Qu’en avez-vous pensé ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.