Le prince Lelio s’est épris d’une paysanne, la jolie Silvia, qu’il a faite enlever et conduire à son château pour l’épouser. Mais cette dernière n’a d’yeux que pour son bel Arlequin et ne romprait avec lui pour rien au monde, même pour toutes les richesses et les titres que peut lui offrir un prince. Arlequin vient alors au palais pour retrouver son amante et la sauver de ce mariage forcé. Silvia et Arlequin découvrent alors un monde qu’ils ne connaissaient pas, celui de l’aristocratie, qui va mettre à l’épreuve la pureté de leurs sentiments.
J’ai récemment lu La Double inconstance de Marivaux, une comédie subtile sur les intermittences du cœur et le premier amour. En trois actes, le dramaturge fait vaciller tous les préjugés sur le grand amour et nous fait une démonstration sans appel : ce que l’on prend pour de l’amour n’est souvent qu’un choix par défaut, et nous ne faisons jamais que nous mentir à nous-mêmes.
L’inconstance est double dans cette comédie, puisque d’une part Silvia est partagée entre son premier amour (Arlequin) et son nouvel amant (le prince) tandis qu’Arlequin voit ses sentiments ébranlés entre son premier amour (Silvia) et une nouvelle amie (Flaminia). Difficile de redevenir lucide quand on a passé sa vie à croire que la personne qui était auprès de nous était le grand Amour… Il peut sembler facile d’être fidèle quand l’occasion ne s’est jamais présentée d’aller voir ailleurs ou que personne de mieux ne s’est jamais présenté. Dans leur village, Silvia et Arlequin étaient le nec plus ultra de la gent féminine et masculine, mais en franchissant les frontières de leur petit monde, force est de constater qu’ils sont assez médiocres et que leurs qualités étaient toutes relatives. N’ayant jamais connu personne d’autre, Arlequin et Silvia ont toujours cru à leur vertu et à la pureté de leurs sentiments réciproques. Mais que se passe-t-il lorsque de nouvelles personnes de grande qualité viennent croiser leur chemin ?
Est-il possible de tomber amoureux de quelqu’un d’autre lorsqu’on est déjà en couple et que l’on est heureux ? Peut-on admettre que les sentiments qui naissent plus tardivement sont sincères, ou bien s’agit-il d’une corruption déguisée ? Si l’on est perméable à un nouvel amour, cela signifie-t-il que le premier était hypocrite ? Est-on jamais sincère en amour ?
Cette pièce, bien qu’il s’agisse d’une comédie, est assez douloureuse, car elle semble nous enseigner que l’on ne connait jamais le fond de son propre cœur, que l’on ne peut pas se connaître soi-même, que l’on ne peut jamais distinguer un sentiment sincère d’une auto-persuasion… La méthode Coué a montré par la suite qu’elle faisait ses preuves, et on a l’impression que Marivaux l’avait déjà pressenti avec deux siècles d’avance.
Et vous, que pensez-vous des comédies de Marivaux et de ses théories sur les sentiments amoureux ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
