Ça y est, la saison lyrique du Théâtre du Capitole de Toulouse vient de sonner sa rentrée hier soir avec le spectaculaire opéra La Gioconda d’Amilcare Ponchielli ! C’est avec un plaisir non dissimulé que nous avons à nouveau franchi les portes du Théâtre et pu découvrir l’étonnante mise en scène d’Olivier Py, un habitué des lieux.
La Gioconda, un opéra passionné et ténébreux
Quatre actes suffisent à boucler l’intrigue de La Gioconda, cet opéra inspiré du drame de Victor Hugo Angelo, tyran de Padoue. L’action a pour cadre Venise dans laquelle Barnaba, un indic de l’Inquisition, courtise la belle chanteuse Gioconda. Mais cette dernière repousse les avances de ce ténébreux personnage car elle aime Enzo. Cet amour n’est pas réciproque : Enzo est épris de son amour de jeunesse, Laura, la femme du puissant souverain de Venise Alvise Badoero.
Dans cette tragique histoire dans laquelle tout le monde aime quelqu’un sans être aimé en retour, menaces, mensonges, trahisons et passion s’entremêlent. Peu à peu, un piège se referme sur la Gioconda, écartelée par la jalousie et la passion.
Olivier Py met en scène La Gioconda
Plateau du théâtre inondé (nous sommes à Venise), décors, costumes et accessoires totalement noirs… voilà l’écrin sinistre dans lequel la tragédie se déroule. Seule la lumière modifie l’ambiance dans certaines scènes cruciales pour mieux en souligner les passions : le rouge de la vengeance ou le vert de la pulsion meurtrière. Olivier Py est toujours aussi radical dans ses choix de mise en scène et il faut avouer que cela sied parfaitement à cette intrigue dont il a fait de Barnaba le personnage principal. C’est lui, sous un masque de clown démoniaque, qui tire toutes les ficelles pour entraîner les personnages dans la tragédie. Omniprésent, le bouffon hante chaque scène et contemple la tragédie avec son sourire cynique.
Ce n’est pas la première fois qu’Olivier Py met en scène de l’opéra et présente ses créations dans l’agglomération toulousaine. En 2019, il nous avait absolument fasciné avec sa mise en scène des Dialogues de Carmélites dont nous vous parlions ici et il nous avait particulièrement fait rire dans sa participation à l’opérette d’Hervé Mam’zelle Nitouche la même année (notre article est là). Avec La Gioconda, il fait une proposition scénographique beaucoup plus sombre qui n’est pas sans rappeler son Roi Lear qu’il avait présenté à Odyssud en 2015 (nous en parlions ici). L’auteur des Illusions comiques a clairement joué la carte du sombre et du noir pour habiller la scène et les personnages de cet opéra paradoxalement grotesque.
La rencontre de l’opéra et de Stephen King
Comment ne pas penser à Stephen King et à sa créature Grippe-Sou en voyant les nombreuses figures de clowns terrifiantes qui occupent la scène ? Ce n’est pas anodin si le Théâtre du Capitole a souhaité mettre un avertissement sur le programme de son spectacle, indiquant que celui-ci était déconseillé aux moins de 16 ans.
Pourtant, derrière l’image grotesque et horrible du bouffon, il y a surtout la poésie et la beauté d’une mise en scène qui use de tous les artifices : scène inondées pour donner la sensation que les interprètes du ballet dansent sur l’eau, feux d’artifice, éclairages qui subliment chaque scène…
Et bien sûr, le talent des artistes qui prêtent leur voix aux protagonistes de cette tragédie : Béatrice Uria-Monzon dans le rôle de Gioconda, Judit Kutasi dans celui de Laura, Ramón Vargas pour incarner le tendre Enzo et Pierre-Yves Pruvot dans l’inquiétante figure de Barnaba. On note aussi l’exceptionnelle participation de Robert Scandiuzzi qui a repris au pied levé le rôle du tyran Alvise Badoero.
La Gioconda n’est qu’une mise en bouche pour inaugurer cette nouvelle saison au Théâtre du Capitole qui s’annonce grandiose. Pour découvrir le reste de la programmation, rendez-vous ici. Et si vous souhaitez découvrir ce magnifique spectacle, il reste à l’affiche jusqu’au 3 octobre prochain. Mais attention, “certaines scènes peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes“, ce n’est pas moi qui le dis, c’est le programme. Vous voilà prévenus !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.