La pièce tourne depuis quelques années, mais je n’avais pas encore eu l’occasion de la voir. Voilà chose faite, puisque je me suis rendu hier au Théâtre de Poche pour découvrir La Jeune fille et la mort, pièce d’Ariel Dorfman mise en scène par Stéphane Batlle. Elle est jouée dans ce petit théâtre toulousain de la rue El Alamein jusqu’à la fin de la semaine.
La Jeune fille et la mort, huis clos oppressant sur un air de Schubert
Après de longues années de dictature (au Chili ? en Amérique du Sud ? en fait, ça pourrait être n’importe où…), un pays se relève difficilement et tente de se reconstruire. Mais cette reconstruction n’est pas possible pour tout le monde, notamment pour Paulina Saulas qui a été emprisonnée, torturée et violée pendant ces années de tyrannie. Mais voilà qu’un jour, elle croit reconnaître en la personne du docteur Miranda son ancien tortionnaire. Œil pour œil, dent pour dent : Paulina va séquestrer l’homme jusqu’à ce qu’il passe aux aveux et confesse la totalité de ses crimes. Or, Miranda résiste. Pire, il jure que Paulina fait erreur sur la personne et qu’il n’a rien à voir avec le tortionnaire qui l’a brutalisée.
Cependant, pour Paulina, certains détails confirment ses accusations… notamment le fait que le docteur Miranda possède dans sa voiture un enregistrement de La Jeune fille et la mort, quatuor à cordes n°4 de Schubert, un morceau que son bourreau affectionnait tout particulièrement.
Vous l’avez compris, l’intrigue de cette pièce est particulièrement intense. Toute la tension repose sur le doute qui oppose Miranda et Paulina : lequel des deux dit la vérité ? Qui est le bourreau ? Qui est la victime ?
Un cadre intime qui intensifie le drame
Le Théâtre de Poche est un lieu que j’apprécie beaucoup. Sa principale qualité, c’est qu’il est tout petit. Les spectateurs sont donc au plus proche de l’action. Dans La Jeune fille et la mort, qui est un huis clos, on a vraiment le sentiment d’être avec Paulina et Miranda dans cette pièce où leur vie ne tient qu’à un fil. L’intensité du drame est donc à son paroxysme.
Isabelle Matras (qui incarne Paulina) et Marc Béchet (qui joue Miranda) sont particulièrement justes dans leur interprétation de ces rôles. Même baillonné, Marc Béchet parvient par son regard à nous faire ressentir toute la terreur qu’il éprouve. Dans son désir de vengeance folle, un revolver à la main, Isabelle Matras nous crispe dans nos fauteuils autant qu’elle nous émeut par son histoire.
Entre les deux, Michel Decroocq incarne Gérardo, le mari de Paulina, la voix de la raison qui tente de faire entendre que, pour lutter contre les tyrans et les dictateurs, on ne doit pas utiliser les mêmes armes ni les mêmes procédés qu’eux… Un débat essentiel qui n’est pas sans rappeler celui de Catarina et la beauté de tuer des fascistes de Tiago Rodrigues, dont nous vous avions parlé ici. Pas de doute que la pièce chilienne a inspiré le dramaturge portugais !
Les scènes dans lesquelles le couple Paulina-Gérardo se débat et essaie de se reconstruire sont particulièrement émouvantes. Bien souvent j’ai eu le ventre et le cœur serrés pendant cette représentation.
Bref, vous l’aurez compris, on vous recommande vivement d’aller voir La Jeune fille et la mort au Théâtre de Poche. Outre la découverte d’une pièce intense, ce sera peut-être l’occasion de participer à la vie d’un théâtre de quartier chaleureux qui mérite d’être connu et fréquenté. En revanche, compte tenu de son sujet et de sa violence, ce spectacle est déconseillé aux spectateurs les plus jeunes.
La pièce est jouée tous les soirs à 20h30 jusqu’au samedi 27 avril.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.