Jusqu’au samedi 18 mars, l’Aria de Cornebarrieu accueille dans ses murs le spectacle La Maison du Loup, une pièce écrite et interprétée par Benoît Solès & mise en scène par Tristan Petitgirard. Nous avons vu hier soir cet étrange drame qui nous raconte une tranche méconnue de la vie du célèbre auteur et aventurier américain Jack London lors de l’été 1913.
La Maison du Loup après le succès de La Machine de Turing
Benoît Solès – qui est l’auteur et l’un des interprètes principaux de La Maison du Loup – n’est pas un inconnu du grand public. Il y a quelques années, il a triomphé avec sa précédente pièce La Machine de Turing qui a été auréolée de quatre Molières et qui était déjà mise en scène par Tristan Petitgirard. Après le mathématicien Alan Turing, le duo s’est donc attaqué à une autre figure majeure du vingtième siècle : le romancier Jack London.
[…] Benoît Solès a imaginé la rencontre du romancier avec un ancien prisonnier devenu un activiste engagé dans la réforme du système pénitentiaire. Été 1913, depuis sa libération, Ed Morrell se bat pour que son ami, Jacob Heimer, échappe à la peine de mort. Frappée par ce combat, Charmian, épouse de Jack London, invite Ed dans leur vaste propriété « La Maison du Loup ». Son objectif est de provoquer chez son mari, en perte d’inspiration, une sorte d’étincelle. Ed parviendra-t-il à sauver Jacob ? Jack London écrira-t-il un nouveau roman ?
Carnet de saison 2022-2023 de l’Aria
C’est devant la belle maison californienne que London vient de faire bâtir mais dont il ne parvient plus à régler les traites que se déroule toute l’action de cette pièce. Le trio constitué du romancier, de son épouse Charmian et de leur visiteur Ed apprend à se connaître et débat sur les idéaux qui ont animé pendant un temps le célèbre Jack London, mais qu’il semble avoir perdus de vue. L’image du romancier engagé et humaniste en prend un sacré coup !
Une scénographie soignée et une direction d’acteur étonnante
J’ai beaucoup aimé l’ambiance qui se dégage de cette pièce. Les lumières orangées dans laquelle baigne le plateau, la toile tendue en fond de scène sur laquelle s’étale le paysage sauvage de la Californie du début du vingtième siècle, tout concourt à créer une atmosphère chaleureuse. Bien que je ne sois pas du tout fan de l’utilisation de musiques off au théâtre pour “habiller” l’action comme on le fait au cinéma, j’ai beaucoup aimé réentendre des extraits de l’opéra de Bizet Les pêcheurs de Perles qu’écoute Charmian London et qui font écho à l’intrigue principale. Dans cet opéra français, un vœu d’amitié éternelle entre deux pêcheurs est mis à mal par une femme dont ils sont tous deux épris. Un triangle amoureux qui évoque forcément le trio Jack-Ed-Charmian.
Le jeu des acteurs est ce qui m’a le plus étonné dans ce spectacle. Contexte californien oblige (ou pas), les voix des acteurs et leurs intonations sont comme américanisées. J’ai eu l’impression d’entendre tout au long de la pièce un doublage de film américain en VF plus qu’une interprétation sincère. C’est un choix qui peut se comprendre mais dont la contrepartie de tenir l’émotion à distance tout au long de la pièce : on entend le texte mais on ne le ressent pas. C’est vraiment un phénomène qui m’a interpelé car je n’avais jamais vu une pièce jouée de pareille façon. Des spectateurs qui m’environnaient dans la salle partageaient également ce même étonnement après la représentation. C’est une proposition très originale dans son genre, quoique déstabilisante.
Cette pièce a mis en lumière une partie de la vie et du caractère de Jack London que je ne connaissais pas, ainsi que le rôle que son épouse Charmian a joué dans sa production littéraire. Après Martin Eden dont je vous avais parlé il y a quelques temps, j’ai bien envie de découvrir d’autres romans de Jack London, notamment Le Vagabond des Étoiles qui est l’un des derniers qu’il ait publié et dont La Maison du Loup nous a raconté la genèse.
Si vous voulez découvrir cette pièce, rendez-vous ce soir ou demain à 20h30 à l’Aria de Cornebarrieu (places de 16 à 28 €).
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.