Pour la Sant Jordi 2025, j’ai reçu La peur qui rôde (et autres nouvelles) de H.P. Lovecraft, accompagné d’une rose (ainsi que le veut la tradition). Un cadeau parfait : cela faisait longtemps que je n’étais pas retourné dans les couloirs humides de ses récits, là où la peur prend racine dans l’indicible. Lovecraft ne m’a jamais quitté depuis ma première lecture — et ce n’est pas un hasard s’il figure parmi mes auteurs de prédilection.
La peur qui rôde : une peur métaphysique
Ce qui me fascine chez Lovecraft, c’est cette manière unique de concevoir la peur. Elle n’est pas liée à une simple présence maléfique ou à un frisson de circonstance. Elle est cosmique, presque philosophique : l’horreur vient du vertige existentiel, de l’infime place de l’humanité face à l’immensité de l’univers. Dans Les Montagnes hallucinées ou Dans l’abîme du temps, que j’ai chroniqués précédemment, ce n’est pas le monstre qui fait peur, mais ce qu’il révèle : que nous ne sommes rien, ou presque.
Ce recueil est composé de 3 nouvelles :
■ La peur qui rôde se passe dans les montagnes, plus précisément dans un village ou un cataclysme a décimé en une nuit les deux tiers de la population d’un hameau… L’enquête est ouverte.
■ Ensuite, La maison maudite est une nouvelle placée sous la figure tutélaire d’Edgar Allan Poe, autre grande référence du fantastique américain. Au fil des siècles et des générations, tous les habitants d’une maison de Providence (Rhode Island) ont péri. Mais quel mal se cache dans les sous-sols de cette demeure ?
■ Dans La tourbière hantée enfin, un fortuné Américain ayant racheté un château en Irlande entreprend d’assécher la tourbière qui l’environne. Et ce malgré les mises en garde des habitants de la région, terrifiés par ce lieu réputé maudit…
Une prose hallucinée, hypnotique
Lovecraft est aussi un styliste, à sa manière. Sa langue, souvent jugée emphatique, baroque ou répétitive, me semble au contraire parfaitement accordée au projet : elle épouse la montée de la terreur, tourne autour de l’indicible, repousse les limites du dicible. Elle donne à ressentir une tension constante, comme si le langage lui-même luttait pour ne pas sombrer.
Il y a quelques années, la lecture de H.P. Lovecraft contre le monde, contre la vie, l’essai passionné de Houellebecq, a éclairé d’un jour nouveau cette œuvre tentaculaire. Lovecraft n’écrit pas seulement contre la peur : il écrit contre le monde, contre le confort des certitudes modernes, contre la banalité du réel. Et c’est peut-être cela que j’aime le plus chez lui : sa capacité à ouvrir des brèches dans le connu.
Et vous, quel est votre récit préféré de Lovecraft ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.