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La Reprise. Histoire(s) du théâtre (I). Un spectacle nécessaire

by Julien
La reprise ©-Hubert-Amiel

Cette semaine a été très forte sur le plan théâtral. Outre le superbe XYZ de Georges Appaix dont je vous parlais hier et qui a achevé un cycle de 35 ans de danse contemporaine, il y avait au Théâtre de la Cité le spectacle de Milo Rau La Reprise. Histoire(s) du théâtre (I) qui reconstitue sur la scène un fait divers terrifiant.

La Reprise, une tragédie d’hier et d’aujourd’hui

Le spectacle est construit en 5 actes (ou presque) comme une tragédie antique. Sauf que le héros qui va expier cette fois est un homme tristement ordinaire. Il s’appelle Ihsane Jarfi et a été tué dans la région de Liège parce qu’il était homosexuel.

la reprise histoires du theatre
Devant la caméra, les acteurs vont reconstituer les événements…

Souvent, ce genre de fait divers est traité dans les médias avec sensationnalisme. On s’empresse aussi de présenter les assassins comme des monstres, parce que l’acte qu’ils ont commis est incompréhensible et inhumain. Milo Rau reprend le récit à ses origines et tente de reconstituer en live les événements qui se sont enchaînés la nuit où Ihsane a été assassiné… tragique enchaînement de situations banales et de coïncidences malheureuses.

La banalité du mal

La pièce est particulièrement tragique car elle nous met face à une réalité qui est tristement humaine. Une région sinistrée, du chômage de masse, une population désœuvrée et désespérée… Les bêtes furieuses qui ce jour-là vont devenir des assassins ne ressemblent pas à ce à quoi on s’attend. Ce sont des types médiocres, des paumés… Ihsane va croiser leur route et mourir. Il aurait pu ne jamais les rencontrer et se rendre le lendemain à l’anniversaire de sa mère. Il n’y a aucune explication à ce qui s’est passé.

L’expression banalité du mal peut se comprendre comme une façon de décrire les routines par lesquelles ceux qui recourent à la violence, comme ceux qui en sont témoins, mettent en suspens leurs convictions morales et renoncent à l’examen de leur engagement pratique personnel.

Patrick Pharo, L’injustice et le mal, 1968

La Reprise, un théâtre politique

La théâtralité de la reconstitution est assumée, affichée. On n’est pas là pour jouer le réalisme et se prêter à un jeu d’exhibitionnisme et de voyeurs. Oui, il y a de la nudité. Oui, il y a de la violence crue. Mais elles ne sont jamais gratuites. Ainsi, pour désamorcer toute forme d’illusion, le spectacle se montre comme tel : casting des acteurs, adresse au public, mise en abîme – et à distance – avec un écran qui reproduit ou transforme les actions enregistrées en direct par un caméraman sur la scène…

Jamais l’émotion n’est utilisée au détriment de la réflexion. Il n’y a pas d’autre voie pour enrayer les mécanismes de la violence et comprendre les événements qui ont coûté ce jour-là la vie à Ihsane Jarfi.

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La Reprise. Histoire(s) du théâtre © Christophe Raynaud de Lage

Allez voir La Reprise. Histoire(s) du théâtre (I) si ce spectacle par chez vous. Cette pièce qui bouleversa Avignon en 2018 est certainement l’une des plus essentielles de ces dernières années.

photo de couverture : © Hubert Amiel

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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1 comment

Allychachoo 16 décembre 2021 - 10 h 58 min

J’ai des frissons rien qu’à te lire…

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