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L’affaire Grégory s’invite au Théâtre du Pavé

by Julien
Grégory by collectif

Il y a 40 ans, presque jour pour jour, le corps d’un enfant de quatre ans était retrouvé dans la Vologne. Depuis quatre décennies, ce fait divers a fait couler beaucoup d’encre. Et justement, c’est ce sujet que la compagnie By Collectif a choisi d’aborder dans son tout nouveau spectacle, Grégory, que j’ai vu hier soir au Théâtre du Pavé.

L’affaire Grégory Villemin, depuis le comité de rédaction de Libération

Les comédiens de By Collectif ont choisi de situer l’action de leur pièce en juillet 1985, neuf mois après le début de l’affaire. Les journalistes de Libé ont entre leurs mains un véritable brûlot, un texte de quatre pages écrit par Marguerite Duras dans lequel la célèbre romancière, auréolée du prix Goncourt 1984, prend parti contre Christine V., la mère du petit Grégory. Cet « article » pose un véritable cas de conscience à la rédaction : faut-il le publier ou non ? Et si oui, dans quelle partie du journal et avec quelles précautions ?

Le By Collectif questionne notre rapport aux médias, notre besoin de consommer de l’information, d’avaler du contenu. Quel rapport avons-nous avec les images ? Quel crédit accordons-nous aux récits relayés par la presse ? Comment les médias utilisent la fiction pour nourrir l’appétit d’une opinion publique avide de sensation ? Comment le « tout dire et le tout montrer » flirte-t-il dangereusement avec le divertissement ?

Programme du Théâtre du Pavé

Le retour de By Collectif

By Collectif est une compagnie qu’on apprécie particulièrement sur Culture déconfiture. Nous les avions découverts en 2021 dans une version revisitée de la pièce Oncle Vania de Tchékhov (Vania, une même nuit nous attend tous) et l’essai avait été transformé en 2022 avec Rachel, danser avec nos morts (inspiré du film Rachel se marie de Jonathan Demme).

Cette fois-ci, By Collectif s’interroge sur notre relation complexe avec les médias et notre insatiable besoin de consommer de l’information. Chaque jour, nous sommes exposés à un flot d’images et de récits qui façonnent notre perception du monde. Mais que voyons-nous réellement à travers ces images ? Quelle place accordons-nous à la vérité dans ce que nous lisons et regardons ? La fiction ou l’imagination ont-elles leur place dans l’information ?

Les récits relayés par la presse, souvent teintés de fantasmes, sont utilisés pour attiser la curiosité parfois malsaine de l’opinion publique, pour racoler les lecteurs. Pour les comités rédactionnels, la quête de vérité n’est pas toujours le premier objectif : il faut surtout faire des ventes, faire du clic… et pour y parvenir, tous les moyens sont bons.

Les faits se mélangent alors aux spéculations, créant un paysage où la fiction devient indissociable de la réalité. Cette dynamique soulève une question cruciale : où s’arrête l’information et où commence le divertissement ? Dans une ère où le « tout dire » et le « tout montrer » semblent être la norme, les médias jouent avec les frontières de l’éthique, flirtant dangereusement avec la spectaculaire mise en scène de l’information. Même quand il s’agit du meurtre d’un enfant. Même quand une mère meurtrie est inculpée et jetée en pâture à l’opinion publique par une romancière qui veut faire de cette femme le symbole tragique de la condition féminine. Sublime, forcément sublime Christine V., tel sera le titre ô combien racoleur de cette tribune de Libé qui fera date.


Si cette réflexion sur les médias vous intéresse, sachez que la pièce sera encore à l’affiche ce soir au Théâtre du Pavé, à 20h30.

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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