Encensé partout où j’en entends parlé, je n’ai pas pu m’empêcher de lire L’Anomalie d’Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020.
En résumé
Il est très difficile de parler de L’Anomalie, car c’est le type de roman dont l’intérêt est principalement basé sur l’intrigue et le plaisir de la découvrir par soi-même au fur et à mesure. Ce roman est un véritable page turner dont les chapitres sont extrêmement brefs et que vous aurez du mal à reposer avant de l’avoir fini tant cette histoire est mystérieuse et captivante.
Mais pour vous la faire simple, le roman met en scène une ribambelle de personnages très variés (un traducteur, un tueur à gages, une avocate, une monteuse de cinéma, un architecte, une petite fille, etc.) et les réunit tous dans un vol Paris-New-York qui ne se déroule pas tout à fait comme prévu… il va y avoir une anomalie !
Le tout se déroule au cours du deuxième semestre 2021, de quoi donner un léger sentiment d’anticipation à la Black Mirror.
Hervé Le Tellier, président de l’OuLiPo
L’auteur de ce roman phénomène est un oulipien et il a lui-même déclaré qu’il n’aurait pas écrit le roman de la même façon si cela n’avait pas été le cas. Et ce n’est donc pas par hasard que l’un des personnages principaux de ce roman est un statisticien (les oulipiens adorent jouer avec les probabilités et le hasard dans leurs productions littéraires) qui va devoir résoudre avec logique et rigueur cette anomalie à laquelle se heurte la raison.
Dans l’écriture de L’Anomalie, il n’y a pas d’effet formel aussi radical que dans le roman de Pérec La Disparition (dans lequel l’écrivain s’était interdit l’usage de la lettre E). Néanmoins, Le Tellier s’est souvent amusé avec la culture littéraire de ses lecteurs avec de fréquents effets de citation à peine cachés, comme celui-ci :
La première fois qu’Adrian avait vu Meredith, il l’avait trouvée franchement laide.
L’Anomalie, Hervé Le Tellier, Gallimard (page 97)
Reconnaître ou non la première phrase d’Aurélien de Louis Aragon n’est absolument pas crucial pour suivre l’intrigue, mais c’est le genre de petit jeu qui, pour ma part, me fait beaucoup rire.
Les échos à la littérature classique ou populaire foisonnent, en particulier avec le nom du protocole 42 mis en place par l’un des personnages du roman (référence cette fois totalement assumée au Guide du voyageur galactique de Douglas Adams).
Un sentiment de déjà-lu
Il n’est pas étonnant, en raison des très nombreuses références, d’avoir un petit sentiment de déjà-lu en tournant les pages de L’Anomalie, mais ce n’est pas vraiment gênant. Au contraire, il y a un véritable petit plaisir à se dire tout en tournant les pages : “Mais où ai-je déjà vu ça ?“
Pour ma part, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux Faux-Monnayeurs d’André Gide qui utilise les mêmes procédés de mise en abyme. Dans le roman de Gide, Edouard est un écrivain qui tente d’écrire un livre intitulé Les Faux-Monnayeurs et en parallèle se met en place dans Paris un véritable trafic de fausse-monnaie. Ce livre de Gide est une véritable référence narrative, avec une galerie de personnages très importante et de nombreuses intrigues secondaires (pas toujours menées à leur terme).
De la même façon, Victor Miesel dans L’Anomalie est un écrivain qui tente d’écrire un roman qui s’intitule lui aussi L’Anomalie, alors même que le vol Paris-New-York dans lequel il se trouve va subir une anomalie… et l’histoire est également racontée de manière chorale. J’ai adoré la manière dont Le Tellier revisite complètement les théories littéraires fondées par Gide un siècle plus tôt !
Bref, le succès de L’Anomalie n’est pas volé. L’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
1 comment
j’ai bien aimé ce livre même si je n’ai pas su ou interpréter tout ce que l’auteur a decrit