Hier soir, j’ai eu le plaisir d’être invité au Casino Barrière pour découvrir Senk, le spectacle de Laura Calu. Depuis plusieurs années (notamment grâce aux réseaux sociaux), elle s’est imposée comme une figure atypique de l’humour français. L’artiste varoise – et désormais toulousaine – propose sur scène un style qui tranche avec les codes traditionnels du stand-up. Entre introspection et satire, Calu confirme notamment son talent pour l’interprétation de personnages.
Laura Calu entre sur scène comme dans une arène
Du pouce en l’air que vous mettez sur les réseaux sociaux pour manifester votre soutien à un artiste au pouce levé du peuple romain qui accorde sa grâce à un gladiateur valeureux, il n’y a qu’un pas. Pour Laura Calu, qui s’est surtout faite connaître sur les réseaux sociaux, ce petit émoticône n’est pas anodin. Un pouce en l’air : tu continues à exister pour l’algorithme. Un pouce en bas : tu disparais des écrans et ta carrière est finie. C’est de ce constat qu’elle est partie pour écrire Senk, filant la métaphore de l’artiste et de la gladiatrice, toutes deux à la merci de la vox populi.
Ainsi, Laura Calu aborde la scène comme une combattante l’arène. Près d’un mannequin qui porte les atours d’un gladiateur archétypal (casque de mirmillon, bouclier de thrace et manica de rétiaire), elle se transforme en personnages variés pour développer les thèmes qui lui sont chers : son fils, sa vie d’artiste, sa dépendance aux écrans, ses obsessions pour sa propre image, etc.
Une galerie de personnages variés
Je le dis à chaque fois que je vous parle de one (wo)man show dans mes articles : les spectacles d’humour, ce n’est a priori pas ma came. En particulier quand il s’agit de stand-up. Mais dans Senk, Laura Calu évite les écueils du genre en proposant à plusieurs moments des sketchs avec des personnages de composition (la cagole, Christophe Hondelatte, la vieille, la bourgeoise…) et se distingue par la richesse et la précision de son jeu. Quelle énergie ! Si je n’ai pas spécialement été emballé par le propos (trop dans l’air du temps, trop dans la posture du « je dénonce » alors qu’en fait j’enfonce juste des portes ouvertes), je dois reconnaître que la comédienne est généreuse et parvient à emporter avec elle tout le public pendant 2h30. Une véritable performance qui force le respect !
Qu’il s’agisse d’un agriculteur un peu cringe dont l’interprétation évoque le réel avec tendresse ou bien d’autres figures marquées par leurs contradictions, Laura Calu démontre un talent d’actrice impressionnant. Ces alter egos ne servent pas seulement de relais humoristiques, ils portent un regard vivant sur le monde qui nous entoure. Le travail de costumes et d’accessoires est également à saluer (le galerus de la gladiatrice qui devient casquette ou la manica qui se fait châle de bourgeoise… que de bonnes trouvailles).
Je dois dire que j’ai été beaucoup moins embarqué quand la comédienne prend à partie le public. Les vannes sur Loïc, un spectateur du premier rang qui est devenu sa tête de Turc pendant tout le spectacle, étaient assez drôles les 5 premières minutes. À la quinzième occurrence, ça commençait à devenir répétitif et prévisible. Et à la centième, n’en parlons pas… Idem le cliché sur les prétendus « pauvres » au balcon, qu’on chambre gentiment. Une fois aurait suffi (je me souviens avoir déjà entendu la blague chez Marianne James en 1992 dans Ultima Recital… alors puisqu’on est sur une thématique romaine, rendons à César ce qui est à César).
Un spectacle entre introspection et universalité
Sans tomber dans une confession brute, comme le ferait une Blanche Gardin, Laura Calu opte pour une introspection détournée. Elle évoque ses blessures avec subtilité, préférant transformer ses expériences en performances scéniques percutantes. Comme beaucoup d’artistes de sa génération, elle utilise la scène comme un divan de psychanalyse, ce que la scénographie et les changements de lumière viennent souligner intelligemment. Peu à peu, Calu & Senk (son pseudonyme à la scène & son nom à l’état civil) se réconcilient et, sous la ptéryge et l’armure de gladiatrice qui se fendille, c’est la femme qui se met à nu.
Senk s’adresse avant tout aux fans de Laura Calu, mais séduit également au-delà de ce cercle. Si certaines longueurs ou répétitions peuvent freiner les non-initiés – comme moi –, la qualité de l’interprétation finit par emporter l’adhésion.
Laura Calu prouve qu’elle est une artiste authentique, capable de transcender les attentes pour proposer une expérience scénique impressionnante. Bonne nouvelle pour les fans : vous pourrez redécouvrir Senk à Toulouse le 17 avril 2026, puisque la Halle aux Grains lui ouvrira ses portes pour l’une des dernières dates de sa tournée. Une consécration. Bravo l’artiste !
Et vous, répondez-vous présent au rendez-vous ?
Note pour l’artiste : Merci pour tous les clins d’œil ad hoc à la géographie toulousaine. En revanche, Croix-Daurade n’est plus vraiment le quartier huppé de Toulouse… c’est même devenu plutôt l’inverse. Peut-être pensais-tu à la Côte Pavée ou aux Chalets ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.