Les suites, que ce soit en livre, au cinéma ou au théâtre, c’est toujours une gageure. Rares sont ceux qui réussissent à faire mieux ou aussi bien que le premier opus. Le Gardien du Temple, spectacle créé par la Compagnie La Machine, n’échappe pas à la règle. Le deuxième volet, intitulé Les portes des Ténèbres, s’est déroulé dans les rues de Toulouse du vendredi 25 au dimanche 27 octobre, pour un résultat en demi-teinte.
Le Gardien du Temple : faire de Toulouse un enfer
Trois petits jours et puis s’en vont. Les machines sont apparues dans les rues de Toulouse vendredi matin et ont terminé leur parcours urbain hier soir. Le scénario de ce spectacle de machines reprenait exactement le même principe que le spectacle de 2018 : apparitions le premier jour, déambulations le deuxième jour, final sur le Pont-Neuf le troisième soir. Objectif de la machine nommée Lilith : récupérer 3 sigils afin de les rassembler et ouvrir la Porte des Ténèbres au cœur de Toulouse. Si le pari des organisateurs était de faire de la ville rose un enfer, on peut dire qu’ils ont parfaitement réussi.
Si la circulation dans Toulouse était encore possible le premier jour – où les machines étaient immobiles –, la situation est vite devenue chaotique les jours suivants. Clairement, la gestion des flux semble avoir été un aspect totalement oublié par les organisateurs. En ne publiant volontairement pas les heures et les lieux précis de chaque scène du spectacle, ils ont créé une sorte de blocage complet de la ville, où chaque rue est devenu un goulot d’étranglement, parfois dangereux.
Samedi après-midi par exemple, ils ont cru bon de provoquer le rassemblement de dizaines de milliers de personne autour du Capitole, alors même qu’un spectacle se déroulait à l’intérieur du théâtre. La sortie pour les spectateurs sur les coups de 16h30 a été épouvantable. Aucun couloir de circulation n’avait été pensé autour de l’édifice, si bien qu’on ne peut que remercier le ciel qu’il n’y ait pas eu besoin de procéder à une évacuation d’urgence de l’Opéra. Cela aurait tout simplement été une mission impossible.
Autre idée de ces petits génies : installer la scène 3 de l’acte II sur le Pont Riquet, en ne laissant qu’un passage de 2 mètres de large pour la circulation de dizaines de milliers de piétons (et évidemment, personne pour réguler la foule). Des génies, je vous dis !
Bref, il ne fallait pas attendre le dimanche soir pour voir s’ouvrir les Portes des Ténèbres à Toulouse. La mission infernale était déjà bien remplie dès la mise en mouvement des machines le samedi.
Les portes de la déception
Côté scénario, les artistes qui ont pensé ce spectacle semblent avoir un peu manqué d’imagination. Cet événement ressemblait pour beaucoup à celui de 2018, mais en moins bien. Dommage, car on avait vraiment adoré ce que la compagnie La Machine avait proposé il y a 6 ans. De manière générale, il m’a semblé que la Compagnie était meilleure sur les petites formes que sur les propositions monumentales. Les Dîners des Petites Mécaniques, par exemple, sont vraiment des spectacles exceptionnels, créatifs et riches (nous vous en parlions ici). Avec les Géants, on tourne un peu en rond en terme de propositions. Trois flambeaux par-ci, un canon à neige par-là… et puis on recommence en boucle.
Le final du dimanche soir en particulier a vraiment eu l’air d’une resucée du premier opus, en beaucoup moins poétique. La gestuelle du Minotaure et de Lilith était d’ailleurs assez décevante. Seule l’Araignée a su recréer une vraie émotion dans la précision de ses mouvements et sa capacité à prendre différentes poses très évocatrices.
Ce qui se présentait comme la grande surprise de l’année était la nouvelle machine en forme de femme-scorpion, nommée Lilith. La quintessence des stéréotypes de genre : taille de guêpe, poitrine avantageuse, on a vraiment eu droit à tous les clichés de la femme sexualisée et diabolisée (tant dans l’esthétique que dans l’argument du spectacle). Mais ceci avait au moins la qualité d’être en cohérence avec la représentation de la masculinité (tout aussi caricaturale) incarnée par Astérion : sveltesse, musculature et cicatrices. La compagnie est définitivement plus intéressante quand elle réinvente des animaux (comme Ariane) que lorsqu’elle s’essaye à des représentations anthropomorphiques.
Bref, vous l’aurez compris, je n’ai pas beaucoup aimé Le Gardien du Temple : la porte des Ténèbres. Ma déception a été proportionnelle au plaisir que j’avais pris à voir le premier opus en 2018. C’est à dire monumentale. Je pense que j’aurais vu le spectacle avec un peu plus d’indulgence si un effort avait au moins été fait sur l’organisation, mais c’était clairement le point noir de cet événement chaotique. Quelle déconfiture !
Et vous, avez-vous pu assister à ce spectacle ? Quelle a été votre expérience ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.