Dans son Molière imaginaire, Olivier Py imagine à quoi ont dû ressembler les deux dernières heures de la vie du comédien français. Alors que s’achève la quatrième représentation du Malade imaginaire, Jean-Baptiste Poquelin règle ses comptes avec ses proches avant de quitter le monde.
Le Molière imaginaire, un parti pris radical
Pour ceux qui ont aimé le Molière d’Ariane Mnouchkine en 1978, passez votre chemin. Alors que la metteuse en scène reconstituait dans une grande fresque la vie du plus grand dramaturge français, Olivier Py ne fait pas le choix du réalisme. Son film est un unique plan séquence d’1h30 au cours duquel 2 actions se superposent : la représentation sur scène du Vème acte du Malade imaginaire et ses règlements de compte, en coulisses, avec ses proches.
L’idée du plan séquence est astucieuse (même s’il est truqué) puisque cela retranscrit bien ce qu’est le théâtre : une longue séquence ininterrompue. Et faire appel à des acteurs qui sont eux-mêmes comédiens de théâtre est également une idée intéressante (même si cela donne à l’image un jeu qui sied assez mal au cinéma). Bref, sur le papier, le projet tient la route.
Etonnamment, le film accorde une place prépondérante à un personnage qui généralement figure peu dans les biographies officielles de Molière : Michel Baron, compagnon de scène de Poquelin et qui sera son successeur dans la troupe après sa mort. Plus qu’un héritier, il est ici un amant omniprésent (et infidèle) qui passe sa vie à poil, que tout le monde caresse et à qui tout le monde roule des pelles… C’est parti pour 1h30 de poses sophistiquées et de touche-pipi. Molière n’avait certainement que ça à penser au moment de mourir – à moins qu’il ne s’agisse plus certainement des propres fantasmes d’Olivier Py.
Un XVIIème siècle décadent
Il y a clairement dans ce film plus de Py que de Molière. On retrouve d’ailleurs dans ce film la plupart de ses plus fidèles acolytes. J’ai adoré Philippe Girard dans le rôle de l’Archevêque de Paris et Olivier Balazuc dans celui du Marquis de Fresquières. Les autres comédiens sont plus décevants : Jeanne Balibar n’est pas du tout crédible dans le rôle du fantôme de Madeleine Béjart ; quant à Stacy Martin et Bertrand de Roffignac, ils sont carrément nullissimes dans les rôles d’Armande Béjart et de Michel Baron. Le pauvre Laurent Lafitte fait quant à lui ce qu’il peut pour tirer son épingle du jeu dans le rôle titre… mais on a beau être un excellent acteur, quand on est mal dirigé et qu’on doit dire un mauvais texte, que faire ?
Les personnages qui m’ont le plus amusé dans ce film sont les trois marquises (de Rohan, d’Aiguillon & de Sablé), notamment celle incarnée par Dominique Frot : telles trois vieilles sorcières ou horribles Parques, elles assistent au spectacle – ou plutôt à cette mise à mort – qu’elles commentent avec un cynisme sans concession. Un petit côté Que tal ? de Goya qui n’était pas pour me déplaire, mais c’est à peu près tout ce que j’ai aimé dans ce film…
Décidément, je préfère largement Olivier Py quand il se frotte à l’opéra (Boris Godounov, La Gioconda, Dialogues des Carmélites…) que lorsqu’il passe derrière la caméra.
En bref, de la même manière que Daaaaaalí ! ressemble plus à Quentin Dupieux qu’à Dalí, ce Molière imaginaire tient plus de Py que de Molière. En ce qui concerne le premier film, c’est pour le meilleur. Et en ce qui concerne le second, c’est pour le pire. Quitte à aller s’enfermer dans une salle ces jours-ci, je ne vous recommande pas d’aller voir cette tentative cinématographique d’Olivier Py, courageuse mais ratée.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.