Cet été, j’ai enfin lu Le Mystérieux correpondant, un recueil de nouvelles inédites de Marcel Proust, publié l’an dernier aux Editions de Fallois. Vous connaissez mon grand amour pour Proust suite aux nombreux articles que j’ai postés à propos de la Recherche du temps perdu, lue pendant le confinement (ou plutôt “terminée” pendant le confinement, puisque j’avais commencé à lire ce long roman il y a 20 ans, lorsque j’étais étudiant en lettres).
Ecrites pendant les années 1890, ces nouvelles répètent (au sens théâtral) les motifs que l’on trouvera dans le reste de son œuvre : le temps qui passe, la mort, l’homosexualité, les tourments psychologiques, etc.
Pour les amoureux de Proust, c’est un ouvrage intéressant, car on y découvre le jeune auteur qui fait déjà de belles trouvailles pour mettre en récit des situations complexes et pleines de délicatesse. Mais si l’on veut vraiment être honnête, si ces nouvelles n’avaient pas été publiées avant, c’est parce qu’elles ne sont pas non plus complètement sensas’.
Parmi ces nouvelles, il y a celle qui se nomme Le Mystérieux correspondant, et qui prête son titre au recueil. Avec sa quinzaine de pages, c’est la nouvelle la plus longue du livre. Une dame se rend au chevet de son amie malade et mourante, puis découvre à son domicile des lettres d’amour anonymes qui vont la bouleverser. C’est une nouvelle étrange où l’on retrouve tout l’art de Proust pour décrire la confusion des sentiments.
Mais la nouvelle que j’ai préférée et celle qui s’intitule Le don des fées. On est dans un récit qui oscille entre le merveilleux de Perrault et la clairvoyance de Proust, pour raconter la malédiction d’une âme d’artiste, celle d’un enfant sensible.
Une fée se pencha sur son berceau et lui dit tristement :
Mon enfant,
Mes sœurs t’ont donné la beauté, le courage, la douceur. Tu souffriras pourtant puisqu’aux leurs je dois hélas ! joindre mes dons. Je suis la fée des délicatesses incomprises. Tout le monde te fera du mal, te blessera, ceux que tu n’aimeras pas, ceux que tu aimes plus encore. Comme plus légers reproches, un peu d’indifférence ou d’ironie te feront souvent souffrir, tu estimeras que ce sont des armes inhumaines, trop cruelles pour que tu n’oses t’en servir, même contre les méchants.
Le don des fées, in Le mystérieux correspondant et autres nouvelles inédites, de Marcel Proust (Editions de Fallois)
Si cette nouvelle paraît d’abord un peu naïve et extrêmement cruelle, elle démystifie avec intelligence les origines de la sensibilité des artistes, et probablement la sienne. Je trouve que remises dans leur contexte (c’est à dire écrites par un Proust de 20 ans), ces nouvelles sont plutôt fines et en tous cas une vraie matrice pour ce qui deviendra plus tard A la recherche du temps perdu.
Et vous, aimez-vous lire des nouvelles ?
Si vous n’êtes pas fans de Proust, Charlotte a parlé ici d’un recueil hybride de Stephen King, Cœurs perdus en Atlantide, qui mérite le coup d’œil !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.