Home À lire Le parfum, histoire d’un meurtrier, de Patrick Süskind [CRITIQUE]

Le parfum, histoire d’un meurtrier, de Patrick Süskind [CRITIQUE]

by Julien
Le parfum suskind

Certains romans marquent dès la première lecture, mais c’est en les relisant qu’on mesure vraiment leur richesse. Le Parfum de Patrick Süskind est de ceux-là : une œuvre qui fascine, dérange, envoûte. Relire ce roman aujourd’hui, c’est redécouvrir bien plus qu’une histoire étrange ; c’est entrer dans un monde d’odeurs, de sensations, et d’ombres.

Le parfum : la splendeur d’une écriture sensorielle

La force du Parfum, c’est d’abord sa langue. Une écriture incroyablement sensorielle, presque charnelle, qui donne à sentir l’invisible. Süskind ne décrit pas : il fait ressentir (et son traducteur Bernard Lortholary le rend à la perfection). Les odeurs semblent surgir de la page, se matérialiser sous nos yeux – ou plutôt sous nos narines, devrais-je dire. Dès les premiers paragraphes, c’est une nuée de souvenirs et de fragrances qui est remontée à ma mémoire.

Dans Le parfum, chaque phrase tisse une atmosphère dense, hypnotique. Et à une époque saturée d’images rapides, cette plongée dans la lenteur des sensations est une expérience précieuse.

Un roman qui explore l’ombre humaine

Je résume pour les ceux qui n’auraient jamais eu vent de ce classique… Dans le Paris de l’an 1738 naît Jean-Baptiste Grenouille, fils d’une poissonnière qui a la particularité de ne pas avoir d’odeur corporelle. La mère, peu désireuse d’avoir une bouche de plus à nourrir, tente de commettre un infanticide. Mais Grenouille est bien décidé à s’accrocher à la vie comme une tique aux poils d’une bête. Ainsi commence une existence tout à fait hors du commun.

Bien entendu, comme j’avais déjà lu ce roman il y a plus de vingt ans, je n’ai pas été tellement surpris par l’intrigue. Mais relire Le Parfum a surtout été l’occasion de mesurer toute la profondeur du personnage de Grenouille. Non pas un simple « monstre » mais une figure dérangeante, fascinante, qui interroge le lien entre génie, marginalité et monstruosité. La relecture révèle mieux encore cette tension : Grenouille fascine autant qu’il révulse, et c’est justement dans cette ambiguïté que le roman prend toute sa force.

Dans notre époque où tout doit être immédiat, bruyant, Le Parfum propose autre chose : une immersion dans des sensations discrètes, presque secrètes. Relire ce roman, c’est apprendre à écouter ce qui ne s’entend pas, à sentir ce qui échappe aux regards. C’est, là encore, une forme de résistance à la vitesse et à la superficialité.

Un classique moderne à redécouvrir

Le Parfum n’est pas un classique ancien, mais il a déjà cette force des œuvres qui traversent le temps. Sa beauté, son étrangeté, son intensité sensorielle restent intactes. Et à chaque relecture, Grenouille, son monde invisible, sa quête impossible, nous troublent autrement. C’est toute la magie des grandes œuvres : elles ne cessent de renaître avec nous.

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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