Dans Les Idoles, Christophe Honoré convoque six figures majeures de la culture française : Jean-Luc Lagarce, Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert, Serge Daney, Cyril Collard et Jacques Demy. Leur point commun ? Tous ont été emportés par le SIDA. À travers cette création que j’avais découverte en 2018 à Toulouse, Honoré imagine une rencontre impossible entre ces idoles disparues, mêlant débats, rires et même… crêpes-party. La pièce est de retour à Paris au Théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu’au printemps.
Les Idoles, un retour aux obsessions d’Honoré
Christophe Honoré est un habitué du théâtre aussi bien que des plateaux de tournage. Après Nouveau Roman en 2012 et Fin de l’Histoire en 2015, il avait proposé en 2018 une œuvre qui s’inscrivait dans ses préoccupations récurrentes : la place de l’artiste et les ravages du SIDA. Le sujet traverse toute son œuvre, depuis son premier roman Tout contre Léo jusqu’à son film Plaire, aimer et courir vite, qui explore la même époque que celle où ses idoles ont vécu et disparu.
Ce spectacle m’a totalement bouleversé à l’époque et m’a laissé 7 ans après des souvenirs encore très intenses. Forcément, son retour à l’affiche à Paris est un immense bonheur !
Un spectacle foisonnant et sans temps mort
Durant 2h30 et en quinze séquences, Les Idoles enchaîne danse, dialogues, monologues et chant, alternant constamment entre le rire et l’émotion. La mise en scène ne vise aucun réalisme, et Honoré pousse l’audace jusqu’à confier certains rôles masculins à des comédiennes, comme Marina Foïs en Hervé Guibert ou Marlène Saldana en Jacques Demy. Cette dernière brille une nouvelle fois, notamment lorsqu’elle passe en une fraction de seconde de Demy à Elizabeth Taylor, aussi exubérante qu’émouvante dans son activisme.

Dans la version 2025, certains acteurs ont laissé la place à d’autres interprètes (Paul Kircher est le nouveau Bernard-Marie Koltès) et une nouvelle figure a trouvé sa place parmi les anciennes idoles : Bambi Love (l’homme idéal imaginaire joué par Lucas Ferraton).
Des moments d’émotion inoubliables
Deux scènes sont encore aujourd’hui profondément ancrées dans ma mémoire. La première : le récit de la fin de vie de Rock Hudson, un acteur hollywoodien dont je ne connaissais que le nom et que Les Idoles m’a fait (re)découvrir. La seconde : la grande scène de Marina Foïs rejouant la mort de Muzil (double de Michel Foucault dans À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie). Ces moments rappellent avec force la peur irrationnelle qu’inspirait le SIDA à ses débuts (It’s a Sin) et l’exclusion brutale des premières victimes. Un récit à couper le souffle !

Un humour salvateur
Heureusement, Les Idoles ne se limite pas au tragique et sait aussi faire rire. Comment oublier la crêpe-party organisée par Jacques Demy pendant que Bernard-Marie Koltès danse sur Staying Alive ? Ou encore Cyril Collard, en plein délire brésilien, massacrant une pastèque à la machette et se déhanchant sur Despacito en mini-short ? Complètement surréaliste, mais irrésistible !
Si vous êtes à Paris ou dans les environs, il ne faut pas manquer ça !
Une réussite éclatante
Christophe Honoré frappe fort avec Les Idoles. Si son cinéma me laisse parfois sur ma faim, ses spectacles ne me déçoivent jamais. Ma seule frustration : ne pas être en régions parisienne au cours des semaines à venir, sinon je serais sans aucun doute allé revoir cette pièce magistrale.
Si vous êtes à Paname, ne manquez pas cette pépite au Théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu’au 6 avril. Je vous garantis un spectacle à la fois drôle, poignant et nécessaire, qui célèbre la mémoire d’artistes essentiels tout en nous interrogeant sur notre rapport à l’héritage et à la maladie.
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.