Ce mois-ci, j’ai lu L’Origine de la violence de Fabrice Humbert. Les barbelés de la couverture, le noir et blanc de la photo, le regard sombre de l’enfant semblent donner le ton : ce roman va parler des heures les plus noires du vingtième siècle.
En effet, L’Origine de la violence est un véritable voyage dans le temps, dont l’intrigue fait un va-et-vient incessant entre les années 1940 et le début du vingt-et-unième siècle. On y trouve à la fois des témoignages sur le système concentrationnaire et une réflexion sur l’acte d’écriture, puisque le roman met en scène un écrivain en quête de son identité, mais aussi d’inspiration littéraire.
En résumé : Le narrateur est un professeur de français (et romancier à ses heures) qui a entrepris avec sa classe un voyage scolaire à Buchenwald. Dans le musée du camp de concentration, il se retrouve face à une photographie prise en 1942 où il semble reconnaître sur le visage d’un détenu les traits de son propre père, Adrien Fabre. Obsédé par cette ressemblance, il se lance alors dans une enquête sur l’histoire, les origines et la mort de ce sosie, qu’il découvre rapidement être David Wagner, un Juif exterminé dans le camp. Mais comment expliquer la ressemblance entre cet inconnu et son propre père ? Peu à peu, des passerelles se créent entre les événements des années 1940 et le vingt-et-unième siècle naissant, essayant donner du sens à l’Histoire et de mettre en lumière les origines de la violence (qu’elle soit concentrationnaire, ordinaire ou intime). De l’antisémitisme du début du vingtième siècle à la mise à mort barbare et insensée d’Ilan Halimi en 2006, les événements sont mis en relief et tentent de trouver une explication.
Mon avis : J’ai totalement été happé par cette enquête sur l’Histoire, le Mal mais aussi sur l’identité. L’essentiel de la première partie du roman (qui en compte deux) m’a beaucoup fait penser au témoignage de Primo Levi, dont on devine que Fabrice Humbert a été un lecteur attentif pour reconstruire le cadre de son douloureux récit. Les témoignages des anciens détenus que le narrateur rencontre dans sa quête sont criants de vérité et nourrissent une réflexion très intéressante sur la violence qui s’est déchaînée au milieu du vingtième siècle (et continue de sourdre aujourd’hui).
Ce roman nous rappelle également la nécessité de témoigner, de raconter, de ne pas oublier, car le passé n’est jamais seulement que le passé. Si l’histoire intime du narrateur m’a moins intéressé, sa réflexion sur l’écriture et sur l’inspiration m’a paru très juste, car un camp de concentration ne peut ni ne doit jamais être qu’un simple cadre à un récit.
En bref, je vous recommande la lecture de ce roman, certes peu divertissant mais vraiment captivant ! Avez-vous déjà lu d’autres romans de Fabrice Humbert ? Que pensez-vous de ces romans à la lisière de l’Histoire et de la fiction ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
3 comments
je n’ai pas lu le livre mais vu le film d’Elie Chouraqui qui porte un regard sur la shoah qui me touche et je pense que la lecture doit apporter une autre approche émouvante car il y a dans le film des moments saisissants porté par des acteurs tel que Weber Stanley et Berry Richard sur ce drame familial
Je n’ai pas encore vu le film d’Elie Chouraqui, mais j’imagine bien cette histoire portée à l’écran ! Pourtant, je n’en ai pas lu beaucoup de bonnes critiques… A voir pour ce faire son propre avis !
Ce livre m’avait plutôt déçue à l’époque, je m’attendais à un récit plus transgénérationnel mettant davantage en parallèle le passé et le présent.