Depuis une semaine, le roman de Gustave Flaubert, Madame Bovary, fait l’objet d’une adaptation dans nos salles.
La réalisatrice Sophie Barthes, toulousaine d’origine, a fait le choix d’une interprétation et d’une mise en scène anglophones, ce qui étonne aux premiers abords puisqu’il s’agit de raconter une histoire typiquement normande. Soit ! Une fois cette surprise passée, on s’habitue très vite à ce parti-pris que l’on a peu de mal à accepter.
Ce qui fait la réelle originalité de cette adaptation tient plutôt à son point de vue. Pas une seule scène où Mia Wasikowska (Madame Bovary herself) ne soit présente. Ainsi, tous les événements racontés par Flaubert qui ne la concernent pas directement (et qui pourtant nous permettent en tant que lecteurs de décrypter son monde) sont supprimés du récit. Pas d’enfance médiocre de Charles dans un collège de Rouen, aucune esquisse du point de vue du voisinage ni des amants : impossible pour le spectateur de savoir comment la petite bourgeoisie normande perçoit Emma, ni les sentiments profonds qui animent les hommes de sa vie. Elle est le centre de gravité de tout le film.
Beaucoup d’épisodes et de personnages disparaissent (ou fusionnent) dans cette version de Madame Bovary, ce qui appauvrit quelque peu l’œuvre d’origine… mais est-ce bien le rôle d’une adaptation d’être exhaustive ? Au contraire, la réalisatrice a fait ici des choix radicaux qui donnent une vision nouvelle d’Emma Bovary. En effaçant toute l’ironie qui fait le piquant du roman de Flaubert, Sophie Barthes fait basculer cette vie de femme dans un romantisme pur, sans second degré. Les spectateurs se prennent ainsi aux mêmes émotions et malentendus que l’héroïne, sans qu’aucune instance ne vienne les démystifier. Il n’est plus question de tenir le récit à distance car ce film repose sur une sincère empathie.
Une telle proposition ne pourra que décevoir les puristes et à ceux qui attendent une illustration fidèle du roman (tant au niveau de l’intrigue que de sa tonalité). Pour les spectateurs moins renseignés, ce film se regardera comme un beau portrait de femme, lyrique et mélancolique, à l’atmosphère proche des classiques sœurs Brontë et Jane Austen.
Ainsi, pour ceux qui recherchent une adaptation plus fidèle, je vous renvoie à l’ennuyeux et inutile métrage de Claude Chabrol sorti en 1991 (et à l’interprétation horripilante et peu crédible d’Isabelle Huppert). Mais si vous voulez voir un beau portrait romantique, profitez du mois de novembre pour aller découvrir cette nouvelle Madame Bovary dans le cinéma de votre ville. Puis revenez ici nous dire ce que vous en aurez pensé !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
J’hésitais encore à aller le voir n’ayant pas particulièrement adoré l’oeuvre originale, mais la BA me tentait tout de même… Je me laisse convaincre par ton article 😉
Oui, tu nous diras ce que tu en auras pensé ! Il faut surtout le prendre comme une oeuvre originale plutôt qu’une adaptation, et à partir de là tout va bien.