Difficile de continuer d’avoir une vie culturelle active ces temps-ci… Heureusement, l’Opéra National de Paris continue de créer et nous propose grâce à France 5 de découvrir de nouveaux spectacles à distance. Après les quatre superbes ballets Créer aujourd’hui présentés le mois dernier, c’est au tour du grand opéra de Gounod, Faust, d’être à l’honneur, dans la mise en scène époustouflante de Tobias Kratzer !
En résumé
Le spectacle commence par nous présenter un Faust vieillissant, presque mourant, dans un grand appartement haussmannien. Méphistophélès et une horde de démons lui apparaissent et lui proposent de réaliser son vœu le plus cher. Plus que tout, Faust désire retrouver la puissance de la jeunesse. Sitôt dit, sitôt fait ; mais tout à un prix… et Faust vient de vendre son âme au Diable !
Ainsi rajeuni, Faust part conquérir le cœur de la chaste et pieuse Marguerite, assisté par Méphisto qui lui donne tous les moyens de combler la jeune femme. Mais c’est sans compter sur la rivalité du jeune Siebel, lui aussi épris de Marguerite, et du frère de cette dernière, Valentin. Marguerite ne peut résister au pouvoir de Faust, mais découvre peu à peu qu’elle est également en train d’y perdre son âme…
La mise en scène de Tobias Kratzer
Le spectacle qui nous a été proposé est une relecture de l’opéra façon 2021 ! Fini le grand classicisme de la mise en scène, Tobias Kratzer a opté pour une esthétique résolument contemporaine.
Dans le Paris actuel, dont les rues ont été vidées par la pandémie, le pacte entre Méphisto et Faust trouve un écho troublant avec l’actualité. Les hordes de démons, avec leurs masques noirs, sont d’autant plus dérangeants et il n’est pas besoin d’analyser l’image trop longtemps pour établir un lien entre leur pouvoir de nuisance et la pandémie que nous traversons.
Le décor, sublimement éclairé, représente tour à tour un appartement parisien, une boîte de nuit, un terrain de basket, une salle de bain, un cabinet médical, une rame de métro, etc. Les effets sont terriblement naturalistes et le pouvoir d’immersion est total ! Il y a quelque chose de fondamentalement cinématographique et naturaliste dans cette mise en scène, sans pour autant qu’il y ait de fausse note ni de dissonnance entre les chants (écrits en 1859) et la représentation du Paris d’aujourd’hui.
Les effets spéciaux ne sont pas en reste, avec l’envol de Faust et Méphisto au-dessus de Paris, dans un ciel rouge sang où se reflète l’embrasement de Nôtre-Dame. Les fléaux de l’époque contemporaine seraient-ils les symptômes de notre pacte inconscient avec le Diable ?
Un casting cinq étoiles
Exit le cliché de la Castafiore qui chante l’Air des Bijoux dans Tintin (c’est souvent ce que l’on connait de mieux dans Faust de Gounod), les interprètes de cette version sont excellentissimes. Le ténor Benjamin Bernheim semble avoir taillé le rôle de Faust à sa mesure, mais j’ai surtout été captivé par le baryton Christian Van Horn, en Méphistophélès au faux-air de Javier Bardem ! Quant à Ermonela Jaho, la soprano, est elle d’une émotion à fleur de peau à laquelle on ne saurait être insensible !
Bref, si vous n’avez pas vu Faust de Gounod ou si vous voulez le revoir, rendez-vous sur Culturebox où le replay reste accessible pendant plusieurs semaines en suivant ce lien. Et revenez nous dire ce que vous en aurez pensé !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.