Home À lire Manon Lescaut, de l’Abbé Prévost [CRITIQUE]

Manon Lescaut, de l’Abbé Prévost [CRITIQUE]

by Julien
Manon Lescaut

Relire un classique, c’est bien plus qu’un retour en arrière : c’est une manière de se retrouver, différemment. Ces textes anciens, parfois intimidants, sont en réalité d’infatigables compagnons. Ils ne cessent de se transformer avec nous, de nous tendre des reflets nouveaux. Relire aujourd’hui Manon Lescaut, que j’avais découvert il y a plus de 20 ans lors de mes études de Lettres à la fac, n’a plus rien à voir avec une première lecture. Là où l’on voyait jadis un simple roman d’amour tragique, on découvre une fresque brûlante sur le désir, la chute, l’aveuglement. Et Des Grieux, que l’on croyait romantique, devient soudain terriblement humain — et même un peu agaçant, parce qu’il nous ressemble.

Manon Lescaut, un récit enchâssé dans un roman plus vaste

Manon Lescaut est le septième et dernier volume des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde de l’Abbé Prévost. À l’instar du Côté de chez Swann dans À la recherche du Temps perdu de Marcel Proust, Manon Lescaut est un tome à part dans la narration. Le narrateur principal, Renoncour, s’efface derrière un narrateur secondaire, Des Grieux, chevalier malheureux qu’il a croisé à Pacy-sur-Eure (en Normandie) puis à Calais deux ans plus tard. Ce dernier raconte comment, sous la Régence (1715-1723), il est tombé sous le charme de l’infidèle Manon et a fait tous les sacrifices par amour, quitte à basculer dans la marginalité et le meurtre.

Relire l’Abbé Prévost, d’abord pour la langue

Je ne sais pas si j’aurais relu l’Abbé Prévost si cela n’avait été par nécessité pour la préparation d’un cours de littérature au lycée. Mais l’occasion fait le larron et je dois dire que j’ai pris beaucoup plus de plaisir à relire Manon Lescaut que je ne l’aurais cru.

Car relire les classiques, c’est aussi, et peut-être surtout, goûter à une langue qui ne se fait plus. Chez l’Abbé Prévost, la prose est d’une élégance presque musicale. Rien d’ostentatoire : une beauté sobre, fluide, discrète, qui accompagne la passion sans l’alourdir. On redécouvre alors le plaisir d’une lecture lente, attentive, où chaque mot compte. Une image juste, une tournure raffinée, une phrase qui serpente : voilà ce que ces textes offrent, loin des logiques d’efficacité immédiate.

Il y a dans cette relecture une forme de résistance. Résistance au rythme effréné de notre époque, aux lectures rapides et aux idées faciles. Lire ou relire un classique, c’est prendre le temps de s’immerger, de savourer, de laisser les phrases faire leur œuvre. Et c’est, quelque part, se reconnecter à une tradition vivante — non pas figée, mais en dialogue constant avec le présent.

Redécouvrir ce qu’on croyait connaître

Les classiques n’ont rien de poussiéreux. Ils vivent. Ils nous parlent autrement à chaque lecture. Et s’ils continuent à vibrer, c’est parce qu’ils touchent quelque chose de profond, d’universel. Alors oui, relisons-les. Pour le plaisir du texte, pour la beauté de la langue, et pour le regard neuf qu’ils posent, à travers les siècles, sur nos vies d’aujourd’hui.

Et vous, quels sont les classiques dans lesquels vous vous replongez avec délices ?

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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