Marie Stuart, reine d’Ecosse, de Josie Rourke : Après avoir été reine de France, Marie Stuart retourne dans son Ecosse natale où elle devient reine, alors qu’Elisabeth règne sur l’Angleterre. Deux destins de reines rivales, qui tentent de s’imposer dans un monde politique essentiellement masculin. La vision de l’histoire du seizième siècle est probablement un peu remise au goût du jour (je ne sais pas si l’on abordait la “question du genre” à la cour d’Ecosse à cette époque). Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est l’évolution du personnage d’Elisabeth qui va peu à peu s’effacer derrière le masque (au propre comme au figuré) de la femme politique, au point de perdre physiquement toute humanité, fardée de blanc, encorsetée, cheveux postiches d’un rouge digne de la reine de coeur dans Alice au pays des Merveilles de Burton.
Ariane à Naxos, de Richard Strauss et Jacques Hofmannsthal, par Michel Fau : Fantastique spectacle ! Michel Fau a pensé une mise en scène d’exception, sans jamais sacrifier le chant et la musique. Dans ce drôle d’opéra qui mêle comédie italienne et tragédie antique, la mise en abyme est parfaite pour nous faire passer du rire au larme, nous faire ressentir une véritable profondeur humaine derrière des situations dignes d’un boulevard. Bravo, c’était exceptionnel !
Un Poyo Rojo, Teatro Fisico : On les avait applaudis il y a quelques années, nous sommes toujours aussi ravis de les voir dans ce spectacle qui reste à l’affiche partout dans le monde. Mais combien de temps encore vont-ils durer ? Longtemps, on espère bien y retourner dans un an ou deux 😉
A nos Atrides !, d’après L’Orestie d’Eschylle, par Laurent Pérez : Le Sorano accueillait ce mois-ci l’une des mises en scènes les plus sobres mais aussi les plus efficaces de la trilogie d’Eschyle, rejouant la malédiction de la famille Atride. Agamemnon sacrifie sa fille Iphigénie, son épouse le tue pour se venger, leurs enfants assassinent leur mère à leur tour. Dans ce cycle de meurtres en série, il faut au moins l’intervention des dieux Apollon et Athéna pour ramener la paix. Une grande réussite !
Gros-câlin, de Romain Gary par Denis Rey : Monsieur Cousin acquiert un animal domestique peu commun : un python de plus de deux mètres, affectueusement baptisé Gros-Câlin. Dans un monologue désopilant, Denis Rey met en scène et en voix le texte de Romain Gary qui semble tourner en rond, comme les anneaux du serpent sur lui-même.
Souad Massi : Super concert de la chanteuse franco-algérienne la plus talentueuse de sa génération, à Blagnac. Trois musiciens virtuoses pour entourer l’interprète, mais le spectacle aussi dans la salle, au son des youyous et des spectatrices debout pour se déhancher ! Les concerts de Souad Massi, c’est la rencontre de la chanson traditionnelle et des influences folk, un mélange élégant et magnifique !
Continuer, de Laurent Mauvignier : Une mère célibataire décide de reprendre en charge l’éducation de son fils, qui dérive lentement. Au cours d’un voyage au Kirghizistan, Samuel et Sibylle vont se retrouver et essayer de comprendre comment ils en sont arrivés là. Dans un style sans relief, Laurent Mauvignier nous raconte une histoire pleine de bons sentiments à l’emporte pièce. Heureusement, le roman est très court, donc on est vite arrivés au bout de ce voyage pour passer à autre chose.
Le prince, de Nicolas Machiavel : Faut-il lire cet essai politique quand votre propre pays est en crise ? C’est assez édifiant de lire certains chapitres de Machiavel à l’heure de la Macronie… On n’a pas l’impression de lire un texte du seizième siècle, mais une véritable lecture du monde contemporain. Adressé à Laurent de Médicis, Machiavel s’inspire largement de César Borgia pour faire le portrait du prince idéal, qui doit chercher à se faire craindre plutôt que de se faire aimer, qui doit toujours paraître vertueux mais ne doit pas trop l’être réellement pour ne pas devenir faible. En une vingtaine de chapitres brefs, Machiavel donne une leçon politique efficace qui a probablement inspiré de nombreux successeurs.
La résistible ascension d’Arturo Ui, de Bertold Brecht : Brecht tenta d’expliquer aux Américains en 1941 comment l’ascension d’Hitler avait pu être possible en Europe. Au lieu de faire un exposé explicite, le dramaturge a détourné les codes du music-hall et les stéréotypes des histoires de gangsters, transposant l’histoire du fascisme en Europe en mafia du chou-fleur à Chicago. C’est intelligent, c’est drôle, et ça raisonne d’une drôle d’actualité en 2019… Bref, il est urgent que des metteurs en scène se réemparent de cette pièce et la mettent en écho avec les images d’aujourd’hui ! Puisqu’on vous dit que l’ascension des extrêmes “résistible” !
Boris Godounov, d’Alexandre Pouchkine : Je connaissais les nouvelles fantastiques de Pouchkine, et aucunement son théâtre. Il narre dans cette pièce le règne du tsar Boris Godounov, de son accession au trône à sa chute. C’est vif, poétique et parfois drôle, et cela m’a permis de connaître une partie de l’Histoire de Russie totalement invraisemblable (et pourtant réelle) : comment un Tsar légitime a été renversé par un imposteur qui a pris sa place sur le trône. Maintenant que je l’ai lu, j’aimerais bien le voir !
Ce mois de mars a été très intense sur le plan culturel. Et vous, quels ont été vos coups de coeur culturels en mars ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.