C’est dans un contexte social des plus houleux que s’est déroulé ce mois de mars 2023. Malgré l’annulation pour cause de grève le 7 mars dernier de deux spectacles que j’aurais voulu voir (Le Feu, la fumée, le soufre au Théâtre de la Cité & Tristan et Isolde au Théâtre du Capitole), j’ai pu assister à 9 spectacles, voir 2 films et faire 2 lectures. C’est parti pour le bilan culturel du mois de mars !
Empire of Light, de Sam Mendes
Après les hommages au septième art de Damien Chazelle (Babylon) et Spielberg (The Fabelmans), c’est au tour de Sam Mendes de faire un film sur le cinéma. Et cette fois, l’action ne se passe pas sur les plateaux de tournage mais bien dans une salle de projection en Angleterre. L’occasion pour le réalisateur de faire en même temps le portrait poignant de sa propre mère atteinte d’une grave maladie mentale. Un très grand film !
Scream VI, de Tyler Gillett & Matt Bettinelli-Olpin
Comme le veut la tradition dans les films Scream, les 10 premières minutes sont les meilleures. En effet, depuis le tout premier Scream, il est d’usage de commencer le film par une intro qui prend à rebrousse-poil les attentes du spectateur. Scream VI ne déroge pas à la règle. Le reste du film est plus classique, avec son lot d’incohérences et ses clins d’œil aux slashers auxquels la série de films Scream rend hommage.
Le Grognement de la voie lactée, de Bonn Park par Maïa Sandoz & Paul Moulin
Cette pièce de Bonn Park, c’est vraiment du grand n’importe quoi. On y croise Donald Trump, Kim Jong-un, un mec qui n’est pas Fabien Barthez, Bonn Park himself mais réincarné dans le corps d’une petite fille de 6 ans qui a voyagé dans le temps, un extraterrestre qui trouve l’humanité « trop trop mignonne… mais aussi trop trop conne », la version obèse d’Heidi Klum, une girafe…
Ça part dans tous les sens, ça fait beaucoup de bruit, et pourtant je suis un peu resté sur ma faim. Ce que j’ai adoré en revanche, c’est que le 13 mars (soir où j’ai assisté à la représentation), le spectacle était doublé en LSF et le public composé de très nombreux sourds ou malentendants. Clairement, ça a donné à la soirée une toute autre dimension et ça j’ai kiffé !
La Maison du Loup, de Benoit Solès mis en scène par Tristan Petitgirard
Dans cette pièce, Benoit Solès nous propose de découvrir un visage méconnu de Jack London. C’est un auteur reclus dans son ranch en Californie et en manque d’inspiration qui va faire la rencontre d’un militant pour les droits des prisonniers et qui va lui inspirer ce qui deviendra l’une de ses dernières œuvres : Le Vagabond des Étoiles.
Si le parti pris dans la direction des acteurs m’a un peu étonné (notamment leur diction façon doublage de téléfilm en VF), j’ai bien aimé découvrir ce pan de la vie de London que je ne connaissais pas et réentendre en fond sonore le célèbre air des Pêcheurs de Perles qui sert de « générique » au spectacle. Le travail des lumières est lui aussi très réussi !
La (nouvelle) Ronde, de Johanny Bert
Du théâtre de marionnettes, j’en vois rarement. Presque jamais en fait ! Et ce spectacle-là, je l’ai beaucoup aimé. Nous y suivons une série de personnages dans une ronde sexuelle qui dessine les contours des nouvelles formes de rapports entre les hommes, les femmes & les autres. C’est un spectacle qui m’a donné envie de m’intéresser davantage à cette forme de théâtre que finalement je connais assez peu. Merci au Théâtre de la Cité de s’être associé à l’association Marionnettissimo pour mettre un coup de projecteur sur cet art captivant.
Noir et Blanc, par le Ballet du Capitole
Parmi les spectacles de danse vus au cours de cette saison, Noir et Blanc n’est clairement pas celui que j’ai préféré. Les danseurs du ballet du Capitole y ont interprété les chorégraphies de quatre figures majeures de la danse contemporaine : Jiří Kylián, Erico Montes, George Williamson & Michel Kelemenis. Petit coup de cœur néanmoins pour la deuxième et plus courte pièce de la soirée, Instars, dans laquelle se sont illustrés deux danseurs du ballet que j’aime beaucoup : Alexandre De Oliveira Ferreira & Alexandra Surodeeva.
Coming Out, de Mehdi Djaadi
Contrairement à ce qui le titre laisse imaginer, ce spectacle n’est pas une pièce LGBT. Dans ce one man show autobiographique, Mehdi Djaadi nous raconte son parcours spirituel. Avec humour mais aussi beaucoup de poésie, il bat en brèche les préjugés et toutes les formes de fanatisme. Bref, un excellent numéro !
Baùbo, de l’art de n’être pas mort, de Jeanne Candel
Ce spectacle est un véritable ovni. Au départ, la pièce nous parle d’un grand amour. Puis d’une séparation qui a anéanti une jeune femme. Sur scène, un chœur de femmes en noir viennent interpréter des complaintes pour accompagner le deuil sentimental de la protagoniste. Le récit fait écho à un vieux mythe, celui de la servante Baùbo qui ne savait pas comment consoler la déesse Déméter qui venait de perdre sa fille Perséphone, enlevée aux Enfers par le dieu Hadès. Alors, en dernier ressort, la vieille Baùbo souleva ses jupons et exhiba sa vulve aux yeux de Déméter, qui éclata de rire.
Dans un décor en perpétuelle évolution, les muscien·ne·s et comédien·ne·s de ce spectacle nous font réentendre le cycle des saisons de l’amour : l’hiver de l’abandon et le printemps de la consolation. Un ensemble un peu foutraque mais dans lequel j’ai aimé les images qui se construisaient et se défaisaient.
La Trilogie des contes immoraux (pour Europe), de Phia Ménard
Dernier spectacle du mois de mars, je suis allé voir cette Trilogie des contes immoraux (pour Europe) ce 31 mars. Plus qu’un spectacle, la pièce est une véritable performance, un temps suspendu voire dilaté (3h sans entracte) qui nous interroge sur les ambitions humaines. D’abord, une guerrière punk et solitaire, véritable Athéna des temps modernes, s’efforce de construire sans aucune aide un Parthénon. L’effort est impressionnant. Puis, dans le deuxième acte, une sorte de prêtresse-chanteuse tyrannique orchestre une chorégraphie permettant l’érection d’une tour de Babel colossale.
Dans le troisième conte, plus court, Phia Ménard seule en scène tente de réinsuffler du sensible dans l’insensible, de l’imaginaire dans le morne réel, de la souplesse dans la rigidité.
Les images se succèdent. Aucune étape n’est escamotée. L’expérience est troublante.
Psychotropical, Los Guayabo Brothers & Cuarteto Tafí
Quelle ambiance au Metronum pour commencer le mois de mars ! J’étais venu écouter Cuarteto Tafí dont j’aime beaucoup l’album Amenecer, et je suis tombé amoureux du groupe Los Guayabo Brothers dont les sonorités psychotropicales m’ont ambiancé ! Pas de doute, je reviendrai écouter ces deux groupes les prochaines fois où ils se produiront sur des scènes toulousaines !
Le Philharmonique de Vienne dirigé par Tugan Sokhiev
C’est Charlotte qui est allée assister à ce concert exceptionnel donné à la Halle aux Grains. Découvrez dans son article toutes les raisons qui ont rendu ce moment magique et exceptionnel !
Blizzard, de Marie Vingtras
Petit roman de moins de 200 pages, Blizzard m’avait été conseillé (et prêté) par une collègue. Alors que le blizzard fait rage en Alaska, un petit garçon échappe à la vigilance de Bess et disparaît dans la tempête. Un certain nombre de personnages partent donc à la recherche de l’enfant, et nous en découvrons de plus en plus sur le passé de chacun d’eux au fil de leur enquête.
Les chapitres sont très courts (souvent 1 page et demi, rarement plus de 2 pages) et les personnages de l’histoire en sont les narrateurs à tour de rôle. Beth, Benedict, Cole et Freeman racontent donc cette enquête les uns après les autres dans un relais de parole qui n’est pas inintéressant en soi. Cette dynamique rend le roman facile et rapide à lire. Ceci dit, je n’ai pas été emballé plus que ça par l’histoire ni les personnages qui manquaient pour moi d’un peu de profondeur psychologique. Les scènes de tension qui auraient dû susciter de la crispation m’ont laissé de marbre. J’ai longtemps espéré une surprise, un retournement… qui ne sont jamais venus.
Ce premier roman de Marie Vingtras a reçu le Prix des Libraires 2022, Libr’à nous 2022, Talents Cultura, Summer, Culture et bibliothèque pour tous, Premières paroles, Esprits libres et a été coup de cœur des lycéens de la fondation Prince Pierre de Monaco… Un beau palmarès qui reste néanmoins pour moi un véritable mystère.
La Visite de la Vieille Dame, de Friedrich Dürrenmatt
À l’occasion des 5ème et 6ème représentations de La Visite de la Vieille Dame par l’Atelier de la Gare à Montrabé, j’ai relu la pièce de Dürrenmatt dans une autre traduction que celle que je connaissais. J’adore cette comédie grinçante dans laquelle une vieille dame revancharde propose à une communauté misérable un pacte à la fois immoral et irrésistible. Cette pièce – plus que jamais d’actualité – nous interroge sur ce que l’on est prêt à faire pour s’extirper de la misère. Et vous, que seriez-vous prêts à accepter contre un chèque d’un milliard ?
Bref, voilà encore un mois de mars bien rempli et qui marque le début d’un printemps très intéressant sur le plan culturel. Et vous, qu’avez-vous découvert de beau ce mois-ci ? Quel est votre bilan culturel perso ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.