Le beau printemps arrive et le mois de mars a été rempli de belles découvertes culturelles. Ce mois-ci, on a passé en revue 20 objets culturels. Entre cinéma, lectures et spectacles, on n’a pas chômé. C’est parti pour le bilan culturel du mois de mars.
Sans jamais nous connaitre, Andrew Haigh
Déjà vu en février, je n’ai pas pu résister à l’envie de revoir ce film. Andrew Scott est émouvant et magnifique dans ce film sur l’enfance et sur l’identité. Hanté par les fantômes de ses parents, un écrivain fait le point sur sa vie et apprend à sortir peu à peu de la solitude dans laquelle il s’est enfermé. Un film émouvant qui donne envie d’être amoureux, tout simplement !
Dune : deuxième partie, de Denis Villeneuve
Le premier opus m’avait moyennement emballé. Rebelotte avec l’épisode 2. Alors c’est très beau, mais c’est aussi très froid… Pas beaucoup d’émotion devant cette débauche d’effets spéciaux et cette mise en scène, pourtant grandiose. Le discours sur les faux prophètes et la psychologie des foules n’est pas inintéressant, mais le fond passe un peu trop après la forme, et c’est regrettable.
Les Sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick
Dans le cadre d’une semaine cinéma sur le thème “Résister”, j’ai revu Les Sentiers de la gloire. Comme dans chacun de ses films, Kirk Douglas m’a rappelé pourquoi il faisait partie de mes acteurs préférés de tous les temps. Ici, en soldat de l’armée française qui cherche à dénoncer les ordres iniques de ses supérieurs, il est magistral.
Lucie Aubrac, de Claude Berri
Dans le cadre de la même semaine cinéma, je suis aussi allé revoir Lucie Aubrac. Ultra classique dans la forme, le film est extrêmement fort. L’arrestation de Jean Moulin, le commando mené par Lucie Aubrac pour faire évader son mari… la reconstitution est haletante et captivante. Un grand film !
Fiction à l’américaine, de Cord Jefferson
Sorti seulement sur Amazon Prime (alors qu’il était nommé aux Oscars), ce film est un petit ovni dans le cinéma américain. Il aborde la question délicate de la place de l’apport de la communauté afro-américaine à la culture occidentale. Loin du cliché habituel autour de la pop culture, des gangs et de la misère sociale, le film veut nous montrer une facette différente et moins caricaturale.
Monk, de son vrai nom Thelonious Ellison, est un professeur de littérature frustré et inquiet du fait que son dernier livre (trop intellectuel et subtil) ne rencontre pas le succès escompté. Dans un geste de révolte, il décide donc de se lancer dans un pastiche de la littérature grand public qu’il hait mais qui connait un succès immodéré. Manque de bol, le second degré de son œuvre n’est pas compris et le roman connait un succès qui va rapidement le dépasser.
Porté par un casting brillant (quel plaisir de retrouver Sterling K. Brown de This is us dans un rôle totalement différent) et écrit avec intelligence, ce film change vraiment de ce que l’on a l’habitude de voir. Vous l’avez vu ?
Fin de partie, de Samuel Beckett par Jacques Osinski
Ham et Clov, deux clowns tristes dans une maison (qui n’en est pas une) où vivent également 2 vieux dans des poubelles… Un chef-d’œuvre de Samuel Beckett, parfaitement compris par le metteur en scène Jacques Osinski et interprété par des génies du théâtre : Frédéric Leidgens et Denis Lavant.
Oublie-moi, de Marie-Julie Baup & Thierry Lopez
Auréolée de 4 Molières, cette pièce n’est pas aussi rose que sa scénographie le laisse penser. On y voit la naissance d’un couple, puis la manière dont la maladie va peu à peu fragiliser la relation. C’est émouvant et délicat.
Mon ami Roger, de Philippe Avron par le Théâtre de l’Enclin
Dans le cadre du festival ThéâtraVallon à Marcillac-Vallon près de Rodez, je suis allé voir quelques spectacles joués par des compagnies amateures. Depuis l’enfance, sur leur bateau de vie, Philippe et Roger vont se perdre de vue, se retrouver, rire, pleurer, et embarquer avec eux un instituteur, un professeur de philosophie, un prof de théâtre, des copains de vélo, Don Juan, Devos et Shakespeare qui veille sur tout. On a tous en nous quelque chose de Roger. La pièce a reçu « le prix de la Fougueuse complicité ».
Cinquième étage, de Natacha Astuto par la Compagnie I Have a Dream
Dans le cadre du même festival, j’ai vu Cinquième étage, fiction sur la guerre et la Résistance. Nous sommes à Lyon en 1943. Armande, Claire, Marthe et Solange sont des résistantes engagées, courageuses et efficaces, prêtes à tout pour sauver la France de l’occupant qui l’étouffe. De mission en mission, elles mettent au point et exécutent la mission dont tous les Français ont dû rêver. Cette pièce a reçu « le prix du Jury ».
Venise sous la neige, de Gilles Dyrek par la Compagnie Le Bathyscaphe
Ce genre de comédie, c’est tout ce que je déteste. Quand c’est joué par des professionnels, c’est déjà très limite… mais bon, il en faut pour tous les goûts, et il faut croire qu’il y a du public qui apprécie ce type d’humour lourdingue, puisque dans le cadre du festival ThéâtraVallon, la pièce a reçu « le prix pour le rire ». En quelques mots : deux couples, un dîner, des quiproquos…
Le Firmament, de Lucy Kirkwood par Chloé Dabert
L’Angleterre du XVIIIème siècle. Douze femmes sont réunies pour délibérer sur le sort d’une treizième femme, condamnée à mort pour infanticide. Seulement, l’accusée prétend être enceinte et la loi interdit son exécution si sa grossesse est avérée (car cela reviendrait à tuer aussi le fœtus, qui ne peut être tenu pour coupable des crimes de sa mère).
Pour ma part, j’en suis ressorti assez mitigé. Le propos féministe de la pièce est limpide. La pièce soulève des questions essentielles sur la condition des femmes, quoiqu’un peu resucées. Il faut dire que depuis quelques années, ce sujet est tellement traité qu’il est difficile d’aborder la question sous un angle vraiment original ou nouveau. Mais bon, une pierre de plus à l’édifice ne fait jamais de mal.
Formellement, on est sur une mise en scène assez old school (ce qui est à la fois honnête et plaisant), mais le Théâtre de la Cité ces dernières années nous a habitués à des propositions tellement fortes et originales – pour ne pas dire parfois radicales – qu’on a désormais un peu la dent dure. Le travail de scénographie, de costumes et de direction d’acteur est assez léché. On a vraiment eu un florilège de belles images.
Je suis allé voir cette pièce avec une ribambelle d’adolescents, ils ont été vraiment emballés. Pour ma part, le souvenir ne sera pas impérissable, mais j’ai quand même passé une bonne soirée et n’ai pas vu le temps passer.
Cendrillon, de Joël Pommerat
Du chef-d’œuvre en veux-tu en voilà ! Joël Pommerat réécrit avec intelligence le conte de Cendrillon et sait diriger ses acteurs avec une grande intelligence. Les spots découpent l’obscurité de la scène avec subtilité et font naître sous nos yeux une galerie de tableaux en clair-obscur. Du grand grand grand théâtre, à tous points de vue !
La Cenerentola, de Rossini par Barbe & Doucet
Une Cendrillon peut en cacher une autre ! Alors que celle de Pommerat s’achevait, celle de Rossini débutait sur la scène de l’Opéra National du Capitole. Cette fois, on s’éloigne du conte original en prenant une orientation totalement opposée : cet opéra est une grande comédie, légère comme une bouchée de chantilly. Les airs chantés sont des prétextes pour les artistes à s’adonner à 1001 virtuosités. Barbe & Doucet ont choisi de transposer l’intrigue dans le Broadway des années 1930, un choix original et qui fonctionne bien. Du grand spectacle de divertissement, assurément !
Cosmicomics, d’après Italo Calvino par Jean-Claude Bastos
I Chiassosi (la compagnie universitaire de théâtre en langue italienne de la faculté Jean Jaurès) est de retour pour présenter son travail de fin d’année. Comme à chaque printemps, les comédiens s’installent à la Gare aux Artistes de Montrabé et jouent leur pièce italienne (et en VO s’il vous plaît). Cette année, ils ont adapté une série de nouvelles d’Italo Calvino qui racontent l’origine du monde et de l’univers. Sept comédiens pleins d’énergie, et l’imagination de Jean-Claude Bastos pour créer des images avec trois fois rien : des dunes avec un drap, une chute libre avec des parapluies, la lune avec un projecteur… Amoureux du théâtre ou de la langue de Dante, vous êtes servis !
Le B.A. BA de Mozart, avec Alexandre Tharaud et l’ONCT
Ce programme a assemblé des pièces de Mozart « jeune homme », de 14 à 20 ans. À l’affiche pour servir ce Mozart plein de sève, deux grands artistes se sont associés : le chef Fabio Biondi & l’un de mes pianistes préférés, Alexandre Tharaud. Un concert mémorable.
Symphonie n°7 de Chostakovitch par Tugan Sokhiev et l’ONCT
Tugan Sokhiev était de retour à Toulouse pour diriger un chef-d’œuvre du répertoire russe : la Symphonie n°7 « Léningrad » de Chostakovitch. Cette symphonie composée en 1941-1942 suscite deux lectures : Léningrad résistant face à l’envahisseur nazi pendant le siège, ou minée par le stalinisme. La musique véhicule cependant un certain espoir, et lorsqu’elle est jouée pour la première fois à Léningrad le 9 août 1942, des haut-parleurs la diffusent dans toute la ville pour galvaniser la population. Ce concert donné à la Halle aux Grains a été grandiose et s’est achevé en apothéose : Tugan Sokhiev acclamé par le public ! Des concerts comme celui-là, on en veut encore et encore.
De Béjaïa à Cornebarrieu, d’après Tassadite Zidelkhile & Christian Billières, par Claire Diterzi et Hafid Djemai
Quelle douce soirée à L’Aria de Cornebarrieu avec le spectacle De Béjaïa à Cornebarrieu où Claire Diterzi et Saadia Bentaïeb nous ont raconté (en parole et en chanson) la vie de Tassadite, née en 1932 dans un petit village de Kabylie et arrivée en 1955 en France. Avec Hafid Djemaï au chant et aux cordes, Amar Chaoui aux percussions et Rafaelle Rinaudo à la harpe électrique, on a véritablement voyagé vers d’autres horizons ! Merci aussi à l’Association Kabyle Afrika 31 de nous avoir mis dans l’ambiance avec le thé, les pâtisseries et l’artisanat algérien. Je ne m’attendais pas à une soirée comme celle-là, et j’ai vraiment adoré !
La Cachette, de Baro d’Evel
Baro d’Evel avait illuminé la rentrée théâtrale des Toulousains avec Falaise. Ils ont fait un retour plus intime avec La Cachette, un élixir puissant et réjouissant. Le moment du confinement a été l’occasion d’écrire un nouveau répertoire et de se lancer dans l’écriture de ce concert hybride qui mêle musique, danse et poterie. Comme toujours avec eux, ce fut inclassable et jubilatoire.
Le mystère de Monsieur Ernest, de Régis Messac
Monsieur Ernest est mort de noyade. Quelques jours plus tard, les gendarmes découvrent un autre cadavre : celui de monsieur Desarraigado, l’un des hommes les plus riches de la ville. Ernest, endetté et paresseux, était son héritier. Georges de la Barèche (le narrateur) s’associe à Benoît Bandan (étudiant en droit) pour élucider ce double mystère à la manière de Sherlock Holmes… ou plutôt d’un anti-Shelock Holmes, puisque Régis Messac va déconstruire tous les clichés du genre pour mieux régler ses comptes avec le puritanisme et la justice imbécile de l’entre-deux-guerres (le roman a été écrit en 1928).
Et vous, quelles ont été vos découvertes culturelles en mars 2024 ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
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Alexandre Tharaud <3