Comme chaque année, la 52e semaine est l’occasion d’un grand bilan culturel. On commence par les spectacles (sans compter les concerts), avec les 5 meilleurs moments passés au théâtre depuis le 1er janvier (et parfois dans des lieux plus interlopes).
Nicht Schlafen – Alain Platel
Nicht Schlafen est un spectacle magnifique construit autour de la musique de Gustav Mahler. Au centre du plateau, des chevaux morts autour desquels les danseurs (huit hommes, une femme) viennent se réunir. Peu à peu, les corps se mettent en mouvement et commence alors un étrange rite au cours duquel s’expriment toutes les pulsions (un nouveau Sacre du printemps ?). Ce ballet relève d’un improbable art du mélange : on retrouve aussi bien des mouvements classiques que contemporains, des arabesques aux entrechats, en passant par des contorsions et des acrobaties des plus spectaculaires ! Les visages ne sont pas en reste, avec des danses de la langue, des paupières, des sourcils… C’est le corps entier jusqu’au moindre poil qui rentre en transe !
Art – Yasmina Reza par TgSTAN et Tood Paart
La pièce Art met en scène un trio d’amis. D’abord, il y a Serge qui a acheté 200 000 euros une œuvre contemporaine, « une toile d’environ un mètre soixante sur un mètre vingt, peinte en blanc. Le fond est blanc et s l’on cligne des yeux, on peut apercevoir de fins liserés transversaux […] Un tableau blanc avec des liserés blancs. » Demandant son avis à son ami Marc, ce dernier a la malheureuse honnêteté d’en rire… un rire qui n’a rien pour plaire à Serge qui se sent personnellement jugé, attaqué et blessé. Yvan, le troisième de la bande, est donc appelé à jouer l’arbitre, mais son tempérament complaisant l’empêche d’exprimer un avis en faveur de l’un ou de l’autre. D’autant qu’il est davantage préoccupé par l’organisation infernale de son mariage à venir, dont Marc et Serge doivent être les témoins.
Les Barbarettes – Les Amis de Monsieur
Tout en fantaisie et en délicatesse, Corinne Calmels, Nien-Mari Chatz et Claire Gimatt alternent chants et anecdotes, au son du piano de fortune qui les accompagne. Ces anecdotes sont tantôt personnelles, tantôt directement inspirées de la biographie de Barbara, et nous font voyager dans l’univers poétique de la chanteuse. Les chansons quant à elles font varier les tons : du cabaret loufoque à la mélancolie, il n’y a qu’un saut de cabri. Des Amis de Monsieur à Dis quand reviendras-tu en passant par Göttingen et par Le Petit bois de Saint-Amant, c’est tout un éventail du répertoire qui est revisité.
Jeanfi décolle – Jeanfi Janssens
Les sketchs de Jeanfi font mouche, il est tordant sur chaque histoire. Sa vie d’hôtesse de l’air, son coming-out (vous ne saviez pas ce qu’est une Marie Toutoule ?), ses tentatives d’achat d’appartement avec Stéphane Plaza, ses expériences de chirurgie esthétique… Tout y passe, assorti de son inénarrable accent ch’ti. Ce spectacle est un régal qu’on ne peut que vous conseiller avec un immense enthousiasme, et qui devrait faire une large unanimité. Nul doute qu’on entendra parler de Jeanfi Janssens dans les années à venir !
Ci-je gis – d’après Patrick Kermann par le groupe Merci
Stupéfaction : en errant dans le couvent des Jacobins, on découvre des morts dans leur cercueil, oui oui, des acteurs sont présents tout le long des allées dans des petites boîtes noires… Saisissant ! Et là, les morts se mettent à parler. Pendant 40 minutes, les spectateurs sont invités à déambuler entre les morts, écouter leurs récits de vie, et de mort surtout donc. Un poilu qui finira oublié sur le monument aux morts de sa commune, une mère courage, un poivrot à l’humour douteux mort sur le trône, un anonyme SDF victime de l’hiver, une jeune fille abusée, une autre adepte des visites aux cimetières… On écoute, happé par des yeux captivants qui émergent d’un teint cadavérique, une voix profonde qui sort d’un corps rigidifié aux vêtements plaqués. Impressionnant. Les acteurs du groupe Merci sont tous plus impliqués les uns que les autres, et le temps file sans qu’on s’en rende compte, juste entrecoupés de quelques mastications franchement dérangeantes.
Et vous, quels ont été vos coups de coeur au théâtre cette année ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
