Le nouveau film de Darren Aronofsky, Mother !, est un thriller horrifique qui met en vedette Jennifer Lawrence, égérie hollywoodienne et compagne du réalisateur.
Comme dans ses films précédents (Requiem for a dream ou Black Swann), Aronofsky tente de créer une tension jusqu’à faire basculer la réalité dans le cauchemar. Après le décevant Noé, on était en droit de se demander s’il avait su relever le défi de présenter à nouveau une œuvre forte. Rien n’est moins sûr, car ce nouveau métrage intitulé Mother ! pousse la distorsion du réel beaucoup plus loin que ses films précédents, au point de perdre un peu ses spectateurs.
Mother ! est un film qui évoque de nombreuses autres œuvres :
- Rosemary’s baby, avec qui il partage le thème de la maternité inquiétante, mais aussi le sentiment d’invasion de la part d’inconnus ;
- Hantise, pour le cadre du récit qui est une ancienne demeure qui semble vivante et hostile envers ses hôtes ;
- le mythe de Pygmalion, pour la métaphore de l’artiste (Javier Bardem) dont la muse est à la fois l’inspiratrice et l’œuvre incarnée
Le mélange des thèmes fonctionne plutôt bien, et grâce au casting ainsi qu’au montage, on ressent parfaitement le sentiment d’oppression et d’angoisse que le réalisateur a voulu instaurer. Le film a particulièrement été remarqué pour la prestation de Jennifer Lawrence qui hante chaque plan : elle est à l’écran de manière quasi ininterrompue pendant les deux heures du film, dont plus de 60 minutes en gros plan ! En bref, si vous n’appréciez pas cette actrice, ce film risque d’être un long moment de torture pour vous.
Ici ou là, on a beaucoup parlé de la prestation de l’actrice, évoquant même une possible récompense suprême aux oscars. Je trouve ces déclarations un peu exagérées, car même si c’est elle qui tient tout le film, on ne peut pas dire que son interprétation montre un grand éventail de jeu. En gros elle fait la gueule non-stop. Cela fonctionne par rapport au récit qui est raconté, mais ce n’est pas vraiment un rôle qui nécessite une palette extraordinaire… Ceci dit, ça n’engage que moi.
Bref, Mother ! est un film qui tient ses promesses sans être non plus une œuvre qui marque fortement les esprits. Le mieux étant bien sûr d’aller le voir pour se faire sa propre opinion.
Et vous, qu’avez-vous vu de bon cette semaine au cinéma ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
6 comments
“un film qui tient ses promesses sans être non plus une œuvre qui marque fortement les esprits”
Le film ne marque pas les esprits ? Alors pourquoi toute cette polémique autour de lui, pourquoi déchaîne-t-il les critiques d’un côté dithyrambiques, de l’autre assassines ? Cet article est le premier un tant soit peu équilibré que je lis sur ce film x) On peut penser ce qu’on veut de mother !, le fait est qu’il marque les esprits, puisque apparemment la plupart des spectateurs a un avis bien tranché, positif ou négatif, sur lui… ou au contraire, le film travaille tellement certain.e.s spectateur.rice.s qu’ielles ne sauraient dire s’ielles l’ont aimé ou pas ! Après, peut-être qu’il tombera dans l’oubli… mais c’est ce qu’on prédisait à Citizen Kane ou Fight Club (tous deux hués à leur sortie) alors je ne m’avancerai pas trop là-dessus…
Il est vrai que l’on trouve beaucoup de critiques tranchées. C’est d’ailleurs ce que l’on attend souvent d’une critique, et cela correspond bien à l’air du temps qui n’aime pas la nuance. Nous-mêmes sur “Culture déconfiture” avons pu écrire des critiques de ce genre récemment, au sujet de “Visages, villages” (génial) ou de “Jeannette” (honni soit-il !).
“Mother !” ne fait pas partie de ces films pour nous… On en reconnait les qualités objectives, on ne s’est pas ennuyé pendant la séance, mais sans plus… A part le visage de J.-Law., aucune image ne m’a marquée et plus le temps passe, plus il me paraît difficile de m’en souvenir. C’est encore récent donc facile d’en parler à chaud, mais je ne peine pas à imaginer qu’il ne m’en restera rien d’ici 12 mois. Pourriez-vous préciser quelle scène ou quelle image (ou quelle idée) vous a paru si marquante ?
Quant aux références que vous citez, je vois peu le rapport avec “Mother !” Si “Citizen Kane” est effectivement reconnu comme un “grand classique” par la postérité, je n’avais pas remarqué que c’était également le cas de “Fight Club”. Je l’ai pourtant vu à sa sortie, je ne me souviens de rien, à part du synopsis dans les grandes lignes et du casting. Mais aucune image, réplique, scène marquante. L’affaire me paraît donc bien subjective.
Enfin, nous sommes parfaitement d’accord sur le fait qu’il ne faut pas être présomptueux : nous n’avons pas les compétences pour prédire quelle sera la postérité d’un film comme “Mother !” et nous gardons bien de nous prononcer à ce sujet 😉
Pour les exemples de Citizen Kane et Fight Club, c’était au cas où “marquer les esprits” signifiait “avoir un potentiel d’inscription à la postérité” justement ^^” (Je n’étais pas sûre de comprendre si c’était ça, ou si c’était par rapport au fait que ça travaille les spectateur.rice.s, les fasse réagir, les trouble, les choque, etc. – ce qui est lié… disons qu’il y a marquer les esprits au niveau individuel et marquer les foules et l’histoire du cinéma) Certes, en matière de cinéma, la subjectivité n’est jamais bien loin, mais un exemple : Fight Club est justement cette semaine le classique rejoué en salles dans les UGC. Je ne dis pas qu’UGC est tout ce qu’il y a de plus légitime pour me donner raison, mais combien de films de l’année 1999 sont rediffusés et font parler d’eux 20 ans après ? Enfin, je ne dis pas que Fight Club est un grand classique comme Citizen Kane, mais il a quand même une petite postérité… ce qui pourrait être le cas de mother! (plus que Noé, par exemple, mais là oui, c’est clairement subjectif, c’est mon avis bien sûr – et je le donne au conditionnel ^^)
C’est vrai que mon commentaire était presque à chaud – je l’ai vu dimanche, donc il y a 2 jours maintenant – mais je crois quand même qu’il va me travailler un moment (j’ai même envie de le revoir)… si vous voulez des images qui m’ont marquée : le sort du bébé, le gentil soldat, le moment Daenerys de Jennifer Lawrence (#jebrûlemêmepas – enfin si un peu quand même), le cœur-gemme incandescent, le cœur battant de la maison, la robe de vestale sur son ventre rond, les bruits de la maison, la chevelure angélique, les apparitions ascenseur émotionnel de Javier Bardem durant l’apocalypse, la maison qui se reconstruit, le moment Daenerys de Javier Bardem (#jebrûlemêmepas – mais moi vraiment), les scènes révolutionnaires…
Quant aux idées, je reconnais qu’elles ne sont pas forcément extrêmement novatrices, mais leur traitement a remporté mon adhésion. C’est-à-dire que j’ai ressenti des émotions très vives, comme rarement au cinéma, comme rarement face à une fiction, alors même qu’effectivement, le message n’est pas très nouveau. Le jusqu’auboutisme d’Aronofsky a rempli une fonction cathartique sur moi, comme si j’avais eu besoin, comme le personnage de Javier Bardem, que ça aille jusque là pour recommencer ma petite vie tranquille en sortant de la salle. Le tourbillon m’a complètement aspirée, et j’ai d’ailleurs une appréhension quant à un 2è visionnage parce que j’ai peur de ne plus être aussi emportée la prochaine fois.
Mais je conçois bien que tout le monde n’ait pas ressenti la même chose que moi, n’ait pas vécu les choses aussi intensément (subjectivité), même si je ne suis apparemment pas la seule quand même x)
Et pour finir sur du très très personnel (subjectivité), la double dialectique “oxymore création destructrice” + “cri de détresse de la nature” me touche particulièrement, et je trouve que le double prisme maternel et biblique est particulièrement cohérent pour l’exprimer. (C’est là que je reconnais que les thèmes ne sont pas complètement neufs, mais la façon de les aborder et le fait de les aborder ensemble a été pour moi un petit feu d’artifice intellectuel. Moui, un peu de satisfaction pseudo-intellectuelle, comme le reprochent les détracteurs du film ^^)
Waow, merci et bravo si vous avez lu jusqu’ici 🙂
Sacrée flopée d’images fortes en effet ! En vous lisant, je revois les passages dont il est question. Avec une semaine et demi de recul, Je crois pour ma part que la scène qui me restera le plus à l’esprit est celle où les “invités” s’assoient sur l’évier qui n’est pas fixé 😉 Bizarrement, ce n’est pas une scène essentielle du récit, mais je trouve que c’est celle qui cristallise le mieux le sentiment d’invasion que l’on peut ressentir lorsque les gens ont un comportement sans gêne !
Pour “Fight Club”, je ne savais pas qu’UGC avait programmé sa rediffusion. En effet, revenir sur les grands écrans 20 ans après sa sortie est un signe fort que le public a retenu ce film comme une oeuvre importante de son époque. Je devrais peut-être le revoir, car à l’époque il ne m’avait pas marqué, mais je pourrais le redécouvrir autrement avec 20 ans de recul (comme cela a pu être le cas avec des romans que j’ai redécouverts adulte et qui m’ont passionné, alors qu’ils m’avaient laissé de marbre quand j’étais ado).
Enfin, pas sûr que “Mother !” soit le genre de film qui supporte un deuxième visionnage. Ou en tous cas pas de sitôt pour ce qui me concerne. Peut-être à redécouvrir… dans 20 ans 😉
Là je suis parfaitement d’accord, mais peut-être pour une raison que vous du coup ^^ C’est que j’ai peur de ne plus être aussi emballée à un deuxième visionnage, et de ne voir que du trop-plein, du granguignolesque et des grosses ficelles.
+1 pour l’évier, je ne comprends même pas pourquoi je ne l’ai pas cité !
Et +1 pour Fight Club. Il m’avait laissée sur la touche quand je l’avais visionné à 18 ans. Peut-être qu’en mûrissant (dans ma tête et dans ma “connaissance” du cinéma), il me marquera plus aussi 🙂