Lorsqu’on pense à Bilbao, le Guggenheim est l’une des premières images qui vient à l’esprit. D’ailleurs, lorsque je parlais de mon intention de visiter la ville basque autour de moi, on me disait parfois : « A part le Guggenheim qui est génial, il n’y a pas grand-chose à voir ».
Tout d’abord, c’est faux ! Comme je vous l’expliquais dans l’article sur Bilbao, c’est une ville qui a beaucoup changé au cours des dix dernières années et qui a beaucoup gagné en charme. Certes, cette transformation est essentiellement due au musée Guggenheim car il a suscité un intérêt touristique pour la ville, qui a pu ainsi s’enrichir et a su réinvestir cette manne pour valoriser son patrimoine (c’est ce qu’en économie on appelle « l’effet Guggenheim »). Il n’empêche qu’à Bilbao, il n’y a pas QUE le musée Guggenheim à voir !
En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de séjourner à l’Hôtel Miro****, dans une chambre charmante et idéalement placée, avec vue sur le Guggenheim et à proximité du musée des Beaux Arts. J’ai ainsi pu admirer l’édifice mordoré sous tous ses angles et à toutes les heures. Il n’y a pas à dire, il est splendide !
A l’entrée du musée, vous êtes accueillis par un immense chien fleuri signé Jeff Koons, appelé Puppy. Cela place d’emblée le musée sous le signe du gigantisme et du ludisme, deux aspects que j’apprécie dans l’art contemporain.
Contrairement à la Fondation Louis Vuitton que l’on doit également à Frank Gehry, le musée Guggenheim n’est pas seulement fascinant de l’extérieur : son hall et la disposition de ses salles d’exposition sont d’une grande originalité. Le cœur du musée se veut puits de lumière, d’où l’on peut contempler les étages supérieurs liés par des passerelles en courbes et un grand ascenseur de verre. C’est à la fois vertigineux, organique et arachnéen !
La plus grande salle du musée est consacrée à l’œuvre abstraite et monumentale de Richard Serra et rend hommage à ArcelorMittal, le principal mécène du musée. Il s’agit d’immenses rouleaux d’acier Corten patinés (comme des bobines géantes) dans lesquels les visiteurs peuvent se perdre sans jamais pouvoir en saisir une perception totale. Cela crée un sentiment de petitesse, comme à circuler dans des crevasses étroites et profondes. Faire de la spéléologie dans un musée, c’était une expérience inédite !
Lors de mon séjour, les artistes à l’honneur étaient Andy Warhol – que l’on ne présente plus – et Louise Bourgeois (que je ne connaissais pas). Je dois avouer qu’en terme d’œuvres d’art, je suis resté aussi hermétiquement fermé à l’art contemporain qu’à l’accoutumée… C’est d’ailleurs ce que je regrette dans un musée comme celui-ci : c’est un écrin de luxe et de magie, mais qui renferme ce que l’art et la civilisation moderne ont produit de plus dégénéré.
D’Andy Warhol, vous retrouverez éternelles les séries de Marilyn, ainsi qu’une œuvre plus abstraite intitulée Shadows, constituée de 102 tableaux identiques disposés aléatoirement dans une grande salle neutre… Oui, je sais, c’est nul ! Mais ça coûte cher !
Concernant Louise Bourgeois, il s’agit d’une plasticienne franco-américaine qui a sévi pendant une grande partie du vingtième siècle. Les œuvres qu’elle a produites sont essentiellement d’inspiration autobiographique : ce sont des installations (cages, cellules, paravents refermés sur eux-mêmes…) contenant des objets symboliques associés à des souvenirs personnels : un lit, un tabouret, des flacons, des prothèses, des vêtements, etc. Clairement, l’art a été pour elle un exutoire psychologique pour évacuer ce qui semble avoir été des traumatismes. Personnellement, je me suis senti comme un psychanalyste qui observe et écoute les confessions les plus intimes d’un patient… en conséquence de quoi je réclamerais bien 50€ à ses ayants-droits pour cette séance sur le divan ! Oui, madame ! D’ailleurs, en faisant quelques recherches, voilà ce sur quoi je suis tombé :
« En 1951, à la mort de son père, elle entame une psychanalyse qui dure près de 30 ans […] Elle tente de dépasser le traumatisme qu’a causé en elle le fait de découvrir que son père trompait sa mère avec sa gouvernante et enseignante d’anglais. Elle voit son thérapeute 4 fois par semaine […] Après 30 années d’analyse, et alors qu’elle est désormais très au fait des théories de psychanalyse, elle écrit dans un essai en 1962 intitulé Freud’s Toy : ”La vérité c’est que Freud ne fit rien pour les artistes, ou pour le problème des artistes, le tourment des artistes(…) être artiste implique une forme de souffrance. Voilà pourquoi les artistes se répètent – parce qu’ils n’ont pas accès à un remède.” »
Mais bien sûr ! Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu ? On est d’accord, cette femme était une mégalomane égo-centrée, et c’est un peu triste de se dire que finalement l’Histoire de l’Art lui aura donné raison…
Bref, je ne saurais trop vous recommander d’aller visiter Bilbao et ses musées. Si le Guggenheim est fascinant par ses volumes et son architecture, le musée des Beaux Arts vous subjuguera quant à lui par ses collections dont je vous parlerai ultérieurement ! Un billet combiné permet d’avoir accès aux deux musées pour 16€ (et l’audioguide du Guggenheim est très instructif mais vous coûtera 2€ de plus).
Enfin, si vous connaissez déjà le Guggenheim ou les artistes cités, n’hésitez pas à nous faire part de vos impressions et de vos commentaires !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
3 comments
“Mais qui renferme ce que l’art et la civilisation moderne ont produit de plus dégénéré” : hahaha, je reconnais bien ton art de la mesure dans ce jugement 😉 J’apprécie beaucoup les œuvres de Louise Bourgeois, elles me touchent souvent !
La pondération, c’est pour ça qu’on me lit, non ?
Sinon, c’est clair et net : je conchie Louise Bourgeois, et j’ai bien envie de mettre le feu à l’ensemble de son oeuvre (si l’on peut employer le mot… moi je dirais plutôt “ces horreurs”)!
Julien tu es irrécupérable. C’est à désespérer du genre humain….Heureusement tu es tellement drôle que même Louise Bourgeois a du sourire pour la première fois de sa vie en te lisant.