Jusqu’à la fin de la semaine, le Ballet du Capitole présente Noir et Blanc, un programme construit autour de 4 ballets et 4 chorégraphes. Les quatre pièces fonctionnent comme quatre tableaux à la fois très différents les uns des autres et totalement complémentaires : No More Play de Jiři Kylián (15 minutes), Instars d’Erico Montes (5 minutes), Libra de George Williamson (6 minutes) et LOIN TAIN de Michel Kelemenis (30 minutes).
No More Play, pièce liminaire du programme Noir et Blanc
« Au fond, toute mon œuvre ne parle que d’amour et de mort », nous dit Jiři Kylián. La pièce No More Play met en scène 5 danseurs dans un dispositif qui évoque une sculpture d’Alberto Giacometti très singulière qui porte le même titre. Le chorégraphe s’est inspiré de cette œuvre du début des années 1930 pour diriger ses danseurs selon des mouvements très rectilignes qui évoquent des figurines sur un jeu de société auquel personne ne sait jouer mais dont on apprend les règles par la pratique. « Comme dans la vie », ajoute Jiři Kylián que certains considèrent comme l’un des plus importants chorégraphes au monde actuels.
Le résultat est des plus étonnants car la danse ressemble presque à une performance acrobatique avec ses postures en équilibre et ses portés spectaculaires. La musique très moderne d’Anton Webern accentue le caractère très mécanique de cette danse, ce qui n’a pas été la meilleure entrée dans le spectacle pour moi, qui préfère largement les mouvements plus ronds et les performances moins démonstratives.
Instars, une entrée au répertoire
La deuxième pièce de la soirée est aussi la plus courte (seulement 5 minutes). Dans une lumière mordorée, Alexandre De Oliveira Ferreira & Alexandra Surodeeva – deux interprètes du Ballet du Capitole que j’apprécie beaucoup – se lancent dans un pas de deux très lumineux sur la musique de John Adams. Cette pièce très brève a illuminé ma soirée, comme si on avait ouvert une petite boîte à musique d’où avaient surgi deux figurines exécutant leur petite mécanique, puis s’éclipsant aussi vite qu’elles étaient apparues.
Libra et LOIN TAIN, deux créations pour clôturer la soirée
Libra est également une pièce très courte (6 minutes), un pas de deux au féminin dans lequel l’Étoile Natalia de Froberville partage la scène avec Nancy Osbaldeston. Dans une tenue minimaliste qui met en valeur leurs jambes musculeuses, les deux danseuses exécutent un duo d’un équilibre fragile qui risque de se briser à chaque mouvement.
Après l’entracte, la dernière pièce clôture ce programme en Noir et Blanc. Michel Kelemenis signe une création sur la musique d’Henri Dutilleux, magnifiée par la scénographie de Bruno de Lavenère. Mêlant profondeur et obscurité, les danseurs de LOIN TAIN nous invitent à faire avec eux la traversée d’un miroir sans tain.
Sur ce magnifique concerto pour violoncelle et orchestre intitulé Tout un Monde lointain, j’appuie l’idée de la quête d’un être vers un autre être, inconnu. Si la forme n’est pas narrative, en revanche, l’hypothèse, la découverte, le frémissement, le rapprochement puis enfin la rencontre, proposent autant de prétextes à écrire les danses. […] Les dix-sept interprètes balancent entre plénitude du corps et détails minimalistes, entre graphisme et intériorité, telle une méditation au fil d’un voyage vers la lumière…
Michel Kelemenis
La pièce joue d’un noir profond avec des effets de dédoublement, de miroirs et de transparence, comme un hommage à l’œuvre du regretté Pierre Soulages, récemment disparu.
Vous avez jusqu’à ce dimanche 26 mars pour découvrir Noir et Blanc au Théâtre du Capitole.
Photo de couverture © David Herrero
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.